À la librairie Violette & Co - Photo Violette & Co
Librairies sauvées in extremis, et après ?
Librairies de village ou librairies engagées, trois enseignes ne seraient plus ouvertes sans la mobilisation de leur clientèle. Pour autant, ces sauvetages en bonne et due forme, ou le déploiement de plusieurs formules de soutien à la librairie, ne sont que la première étape sur le chemin d'une situation financière sereine et pérenne. Explications.
Soazic Courbet de L'affranchie librairie à Lille (Nord)- Photo SOAZIC COURBET
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> Elle aurait pu fermer si…
Elle n’avait pas réuni les 15 000 euros nécessaires à sa survie. Une somme qui correspond aux dettes que la librairie féministe structurée en Scop (Société coopérative de production) ne parvenait plus à éponger, et ce malgré un chiffre d’affaires en hausse constante.
> Le tournant
Le 20 septembre 2024, Soazic Courbet, gérante de L’Affranchie librairie, lance un appel au secours sur les réseaux sociaux où une communauté de plus de 13 000 personnes la suit. Les clients sont au rendez-vous, un fort afflux de commandes lui permet de réunir la somme en quelques jours et de payer les fournisseurs, le loyer ainsi que deux salaires (le sien et celui de son associée).
« On a ensuite vécu quatre mois comme si c’était Noël », rapporte Soazic Courbet. La libraire ne s’arrête pas là. « J’ai tout décortiqué en me demandant : grâce à qui la librairie vit-elle ? Qui nous fait des remises et chez qui peut-on encore négocier ? Je me suis rendu compte que MDS me faisait 32 % de remise depuis des années, sans que j’arrive à négocier quoi que ce soit », souligne-t-elle.
Également aux commandes de L’Affranchie podcast, via lequel elle réalise un gros travail de diffusion totalement gratuit, la libraire est prête à ne plus inviter les auteurs et autrices du groupe sans effort de la part du diffuseur-distributeur sur la marge. Ce qu’elle obtient, mais en partie seulement. « Je vais continuer à monter au créneau. Parce que si j’avais eu 36-38 % et non 32 % de marge, on les aurait peut-être eus, ces 15 000 euros manquants », observe la libraire, par ailleurs membre du collectif Déborder Bolloré.
> Et maintenant ?
« Nous n’avons pas du tout de trésorerie, mais nous n’avons plus de dettes », résume Soazic Courbet. Alors que les six premiers mois de l’année 2025 ont été tendus, la librairie commande moins et travaille beaucoup sur le fonds. L’analyse poussée qui a suivi l’appel à soutien aura aussi permis de mettre les choses à plat.
« C’est la première fois, depuis que j’ai repris la librairie en 2012, que l’on construit notre économie en connaissant nos besoins en fonds de roulement, nos objectifs », constate Soazic Courbet. En juin 2025, elle est confrontée à un nouveau coup dur avec la révision locative annuelle qui fait grimper son loyer de 2047,26 euros HT à 2 184,24 euros, sans compter les augmentations de charges. Pour la librairie, une seule solution : l’encadrement des loyers pour les commerces indépendants de proximité (lire par ailleurs « Le soutien public dans un sale État »).
Aides & prêts financiers
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Anne Delaunay, de la librairie L'Arbre à Palabres à Ribérac (Dordogne)- Photo L'ARBRE À PALABRES
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> Elle aurait pu fermer si…
Elle n’avait pas trouvé de repreneur suite au départ à la retraite des anciens gérants. Or c’est bien ce scénario qui se profilait quand fin 2022, soit deux ans après la mise en vente de l’établissement, aucun candidat ne s’était présenté pour investir les 70 000 euros nécessaires au rachat du fonds de commerce. Située dans un village de moins de 4 000 habitants, elle est la seule librairie dans un rayon de 30 kilomètres.
> Le tournant
Parmi les habitués du lieu, deux couples de clients lancent un appel à la mobilisation pour empêcher la fermeture. S’ensuit une course contre la montre sous l’impulsion du collectif des Amis de la librairie pour acquérir L’Arbre à Palabres et la transformer en SCIC, une société coopérative d’intérêt collectif. « On a travaillé en accéléré, montant les statuts en un mois et demi pour racheter au 31 mars 2023 », retrace Anne Delaunay, seule libraire salariée du lieu.
Les associations d’amis de la librairie, quel apport ?
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Quant au financement, il est apporté par 200 acheteurs de parts sociales. Parmi les associés institutionnels figurent la communauté de communes et la commune de Ribérac, tandis que la région a versé une subvention de 60 000 euros. Bibliothécaire de métier, Anne Delaunay se forme aussi « en express », d’abord auprès des anciens gérants, puis en étant épaulée par d’autres librairies.
> Et maintenant ?
« On arrive dans un moment où il faut que la coopérative se structure, explique Anne Delaunay. Cela se fait normalement avant l’ouverture, mais nous n’avions pas pris ce temps-là pour ne pas laisser la librairie fermée. » Si elle est l’unique libraire salariée de L’Arbre à Palabres, elle est entourée depuis plus de deux ans par Valérie Darracq, présidente de la SCIC, et par la vingtaine de personnes déjà fortement mobilisées au moment du rachat.
Des bénévoles qui font de la comptabilité, du ménage, de l’animation, mais aussi « un vrai boulot de libraire » dans cet espace de vente de 130 m2. « Sans elles, ça ne tournerait pas », assure Anne Delaunay, qui trouve la période actuelle « compliquée ». Après avoir atteint l’objectif de 210 000 euros de CA la première année, et l’avoir dépassé la seconde, ce troisième exercice se présente moins bien. « Ce qui nous maintient, c’est qu’on gagne de nouvelles collectivités, remarque-t-elle. On a aussi gardé l’espace papeterie, sur lequel pas mal d’entreprises nous suivent. »
SCOP, SCIC… Kézako ?
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Violette and Co à Paris
Loïse Tachon de la librairie Violette & Co à Paris- Photo VIOLETTE & CO
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> Elle aurait pu fermer si…
Un groupe de militantes ne s’était pas mobilisée pour la reprendre. En 2019, Catherine Florian et Christine Lemoine, fondatrices en 2004 de cette librairie devenue un lieu emblématique des communautés lesbiennes et féministes, annoncent vouloir partir à la retraite. Avec le Covid, plusieurs projets de reprise tombent à l’eau. En janvier 2022, le duo annonce la fermeture faute de repreneurs.
> Le tournant
Pour empêcher la fermeture, huit amies créent une association de préfiguration de coopérative et lancent de mars à juin 2022 une campagne de financement participatif pour collecter les 150 000 euros nécessaires au rachat. « On a racheté dans l’urgence, avec une première avance de 35 000 euros, et avant même d’avoir la somme totale du crowdfunding, avec la peur que ce lieu extrêmement important disparaisse, c’était un pari », raconte Loïse Tachon, aujourd’hui coopératrice et libraire. Pari réussi, puisqu’au total 3 000 personnes participeront, avec des dons modestes et d’autres de plusieurs milliers d’euros, pour un total de 172 000 euros. L’équipe se mobilise pour rechercher un nouveau local, le bail commercial du 102, rue de Charonne (Paris XIe) expirant en mars 2022.
Financement participatif
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> Et maintenant ?
À la réouverture le 13 octobre 2023 au 52, rue Jean-Pierre Timbaud sous forme de Scop, trois coopératrices étaient aux manettes de la librairie. Elles sont désormais cinq, avec la personne embauchée pour tenir le café et une alternante devenue salariée en septembre 2025. « Nos charges fixes sont élevées mais grâce à cette campagne de financement, on n’a pas de prêt à rembourser », se félicite Loïse Tachon, indiquant un chiffre d’affaires en hausse depuis la reprise.
« Le but de nos premières années est de se constituer une trésorerie suffisamment importante en cas de problème dans le futur. En tant que commerce LGBT et féministe, on sait qu’on n’est pas à l’abri d’attaques, comme celle qui a touché Les Vagues [en mai 2025 à Nantes] », précise Loïse Tachon. Agrandissement des rayons BD, jeunesse et livres en anglais, mais aussi rencontres, communication sur les réseaux sociaux… L’équipe, qui se paye au Smic, entend faire vivre l’un des rares lieux queer ouvert en journée à Paris.
Trois autres pistes
La marge par le non-retour
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Accompagnements professionnels
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La vie en pro-forma
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Par
Louise Ageorges
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