Un écrivain à la plage. Il n'y a de littérature que de la marge, des frontières, des bords féconds. D'une certaine forme d'indécision du réel et de dépossession de soi. En ce sens, pour ces échappées belles romanesques, quel meilleur décor (lequel sera toujours beaucoup plus que cela, un personnage à part entière et même central) que les bords de mer, les rivages changeants où se tenir face à nos vies enfuies ? Il y a presque comme une école de ces épiphanies balnéaires et littéraires, du Cocteau du Cap-Ferret à la Chantal Thomas d'Arcachon et de Nice en passant par la Duras de Trouville ou la Sagan de Saint-Tropez. À ces noms, parmi d'autres il est vrai, il conviendra de rajouter désormais celui d'Arnaud Cathrine. Douze ans après Je ne retrouve personne (Verticales), celui dont on pourrait dire, comme Barrès de Proust, qu'il est « notre jeune homme », se présente au lecteur en maillot de bain et couvert d'ambre solaire...
Ce serait donc l'histoire de Raphaël. Un quadragénaire qui fait métier d'écrire et qui ne va pas bien. Pas bien du tout. Ténébreux, inconsolé, une sorte de « desdichado » post-nervalien. Sa femme, Anna, l'a quitté après vingt ans de vie commune. Sa fille s'apprête à poursuivre ses études loin de Paris et du foyer familial. Raphaël doit se réinventer et n'est pas sûr d'en avoir vraiment l'énergie ni même l'envie. Il s'enfonce chaque jour un peu plus dans une sorte de morosité sans but, sans désir. Son éditeur, inquiet de le voir ainsi livré à ses démons d'impuissance et d'absence de tout désir, lui propose alors de faire ce qu'il convient en pareil cas : aller voir ailleurs s'il y est et au besoin, s'y attendre. Cet ailleurs, ce sera la mer, des plages, des rivages. Quatre étapes pour une lente résurrection au fil d'appartements loués : La Grande-Motte d'abord, en Occitanie, puis Arcachon, Benerville-sur-Mer non loin de Deauville et enfin Préfailles en Loire-Atlantique. Quatre bords de mer, mais aussi quatre visages, quatre rencontres, quatre solitudes également, comme autant de possibilités de réconciliation avec soi-même et le monde : une dame d'une soixantaine d'années, un adolescent escrimeur pratiquant le nudisme sur le bassin d'Arcachon, une femme qui lui prouvera qu'un autre amour est possible et un ancien flirt de lycée, retrouvé. Un « roman de plages » donc, dont le charme se compose d'une insidieuse douceur et d'une tristesse mêlées. Un livre qui serait à la fois tout entier dédié aux joies épiphaniques des mondes mouvants des rivages et du cœur au bord des lèvres, mais également aux fonctions thaumaturges de la littérature et de l'écriture. Ce sont eux, ces écrivains à la plage, ces frères invisibles qui accompagnent Arnaud Cathrine tout au long de son récit, de ses promenades. Le romancier cite Barthes : « [...] savoir que l'écriture ne compense rien, ne sublime rien, qu'elle est précisément là où tu n'es pas − c'est le commencement de l'écriture. » Fermez le ban, ouvrez les fenêtres. La mer est là.
Roman de plages
Flammarion
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 21 € ; 256 p.
ISBN: 9782080453686