Justice

Affaire Aristophil : ouverture du procès d’un scandale aux 4 500 victimes

Patron de la société Aristophil, placée en liquidation judiciaire, Gérard Lhéritier a comparu ce lundi 8 septembre devant le tribunal de Paris. - Photo Martin Bureau/AFP

Affaire Aristophil : ouverture du procès d’un scandale aux 4 500 victimes

Dix ans après la faillite d’Aristophil, société spécialisée dans les placements en œuvres d’art, le procès de son fondateur Gérard Lhéritier s’est ouvert ce lundi 8 septembre au tribunal judiciaire de Paris. Poursuivi pour « escroquerie en bande organisée » et « pratique commerciale trompeuse », il est soupçonné, avec sept autres personnes, d’avoir lésé 4 500 investisseurs, pour un préjudice estimé à plus d’un milliard d’euros.

Par Élodie Carreira
avec AFP Créé le 08.09.2025 à 17h59

C’est un procès hors norme qui s’est ouvert ce lundi 8 septembre au tribunal judiciaire de Paris. Dix ans après la liquidation judiciaire d’Aristophil, société qui proposait à des particuliers d’investir dans des manuscrits, documents et lettres historiques, son fondateur, Gérard Lhéritier comparaît pour « escroquerie en bande organisée » et « pratique commerciale trompeuse ».

Avec sept autres personnes, dont Jean-Claude Vrain, librairie-antiquaire connu de tout Saint-Germain-des-Prés, il est accusé d’avoir surévalué les prix d’achat des lots proposés, endettant ainsi plusieurs dizaines de milliers de victimes présumées, dont plus de 4 500 se sont constituées parties civiles.

Une fraude pyramidale

Séduits par la promesse de rendements élevés – environ 8 à 9 % par an –, ou d’un rachat tout aussi pertinent quelques années plus tard – les plaignants avaient, à l’époque, succombé à l’achat complet ou partiel de manuscrits originaux d’Einstein, Proust, Hugo, Baudelaire ou même Romain Gary.

Le modèle de développement prévu par Aristophil reposait alors essentiellement sur un réseau de courtiers et de conseillers en gestion de patrimoine, chargés de commercialiser les parts de manuscrits aux plaignants. Ces derniers n’ont d’ailleurs jamais eu les documents entre les mains, et recevaient simplement un certificat ou un contrat pour formaliser leur investissement.

En réalité, les documents étaient conservés par la société de Gérard Lhéritier qui promettait de racheter les œuvres au bout de cinq ans, à un prix majoré. Selon les enquêteurs, ce montage fonctionnait sur le modèle de la pyramide de Ponzi, une fraude financière reposant sur le recrutement de nouveaux épargnants pour rémunérer les intérêts des anciens.

Près d'un milliard d'euros de préjudice

En 2016, le système s’écroule et l’escroquerie est révélée au grand jour. Presque deux ans plus tard, une première vente aux enchères d’ampleur, sur les 300 planifiées sur six ans, est organisée pour disperser le fonds Aristophil, alors constitué de 130 000 pièces saisies. Si les épargnants ont espéré, pendant un temps, que ces ventes indemniseraient leurs pertes, la réalité s’est montrée bien différente puisque les biens ont été revendus à des montants nettement inférieurs à leur prix d’acquisition.

Par exemple, une lettre de Napoléon Bonaparte à Joséphine, valorisée à 1,2 million par Aristophil, s'est finalement vendue aux enchères à 280 000 euros. Selon une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), le prix d'achat des manuscrits lors de leur revente aux épargnants avait en moyenne augmenté de 147 % et jusqu'à 317 % pour la collection « Académie française ».

Au total, environ 18 000 personnes avaient investi dans la société. Certaines séduites par la garantie d’une plus-value démentielle, d’autres convaincues par les conseils en gestion de patrimoine d’Aristophil, qui se présentaient comme des experts leur assurant un « eldorado sans risque ». Parmi les plaignants, certains ont perdu l’ensemble de leurs économies. Aujourd'hui, le préjudice total s'élève à près d'un milliard d'euros.

Escroquerie « en bande organisée »

Aristophil « ne précisait ni son mode de calcul ni les œuvres retenues », a fait savoir la DGCCRF, ajoutant que « le consommateur était dans l’incapacité de vérifier les éléments avancés » et « d’appréhender les risques que comporte [ce] marché ».

Le procès, qui pourrait s’étendre de fin septembre à début octobre, vise aussi l’entourage professionnel de Gérard Lhéritier, dont Jean-Claude Vrain, auquel Libération a consacré un article. S’appuyant sur des documents internes, le quotidien souligne le rôle central du libraire de Saint-Germain-des-Prés, chargé de revendre à Aristophil les documents anciens ensuite proposés aux investisseurs. À chaque vente, le libraire-antiquaire gonflait lui aussi les valeurs initiales des documents, brassant à son tour des revenus colossaux.

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