Ils étaient nus. Ils venaient de faire l'amour, comme le révélera l'autopsie inquisitrice, dévoilant ainsi à leur mère Violaine la vraie nature de leur relation, fraternelle certes, mais au-delà. Et puis une querelle violente les a mis hors d'eux, qui couvait déjà depuis des mois. En fait, ils n'étaient plus d'accord sur rien. Mais c'est un banal projet de vacances qui a tout précipité. Il y a eu bagarre. Corentin s'est jeté sur Alban, dont la tête est allée cogner la tablette de la cheminée. Mort sur le coup. Accablé, Corentin a alors avalé des barbituriques. Il a enlacé son frère et est mort à son tour. Ils étaient beaux, brillants, ils venaient d'avoir 24 ans et ils étaient jumeaux. C'est Édouard, leur « polyamoureux », en trouple avec eux à temps partiel, qui les a découverts.

Il est dévasté, tout comme la mère, et ces deux-là vont se rapprocher durant les jours éprouvants qui suivent : la police, l'autopsie, la récupération des effets personnels (rien que deux portables, qui livreront quelques secrets, des photos de Lisbonne ou de Barcelone), l'enterrement, le tri de leurs livres et de leurs vêtements, la résiliation de l'appartement de la rue des Écoles où ils avaient été heureux tous les trois. Une tendresse va naître, et Violaine et Édouard décident de poursuivre ensemble l'œuvre des jumeaux : un think tank, Les Ultimes, « transdisciplinaire et transpartisan », qui organise des conférences sur l'état de la planète et les grands enjeux de notre époque, à l'École normale supérieure où Alban et Corentin étaient élèves. L'un en philosophie, l'autre en géosciences. Car les garçons, orphelins d'un banquier d'affaires mort dans un accident de ski alors qu'ils n'avaient que 5 ans, et fils d'une conservatrice au musée d'Orsay, enfants des beaux quartiers de l'intelligentsia rive gauche, avaient la tête aussi bien pleine que bien faite, et des caractères difficiles à canaliser. Violaine leur avait laissé trop longtemps la bride sur le cou : les connaissait-elle vraiment ?

Ce premier roman est à la fois générationnel et éternel. Il tente de comprendre le jeune être humain, ses désirs, ses amours, ses passions, ses idées. Il est intello et sensible, provocateur et touchant. Sur la gémellité, on n'a pas fait mieux depuis Michel Tournier, qui aurait aimé ces nouveaux Météores.

Xavier Bourgine
Les ultimes
Grasset
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 20 € ; 224 p.
ISBN: 9782246823315

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