Avant-critique Essai

Vincent Borie, "Comprendre l'architecture sacrée" (Arléa)

Coupole de la basilique Saint-Pierre de Rome. - Photo DR

Vincent Borie, "Comprendre l'architecture sacrée" (Arléa)

Architecte de formation, Vincent Borie propose une introduction à l'architecture sacrée et une plongée dans un espace originellement conçu pour la liturgie.

Parution 7 novembre

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Par Sean Rose
Créé le 13.11.2024 à 14h00

La pierre et le sacré. Depuis la Renaissance, l'espace est homogène, on le représente selon la vision géométrique de la perspective qui fait figurer ce qui est loin petit et ce qui est près plus gros. En peinture, c'est le point de fuite qu'a théorisé l'architecte et peintre du XVe siècle Alberti avec sa fameuse fenêtre à partir de quoi notre regard converge. De même, en architecture, l'espace qu'abritent les pierres que forme l'édifice n'est pas d'une nature différente qu'on soit à l'intérieur ou en dehors du bâtiment. L'humanisme, en repensant la place de l'homme dans l'univers, en le mettant au centre, a rejeté Dieu aux confins du ciel. Contrairement à l'homo religiosus des cultures primitives ou traditionnelles, l'homme moderne n'a pas l'impression de pénétrer dans une autre dimension lorsqu'il entre dans une église, un temple, une synagogue, une mosquée... Vraiment ? Mircea Eliade dans Le sacré et le profane rappelle que même dans la vie de tous les jours, « dans cette expérience de l'espace profane, continuent d'intervenir des valeurs qui rappellent plus ou moins la non-homogénéité qui caractérisent l'expérience religieuse de l'espace ». La vie affective fournit de nombreux exemples d'espaces qui ne nous sont pas neutres : le café où on a eu un premier rendez-vous amoureux peut revêtir un caractère sacré. Mais c'est surtout l'architecture, notamment l'architecture des édifices religieux, qui induit cette rupture de plan avec l'espace profane. Leur dessin, leur volume, la forme qu'ils découpent dans le paysage concourent à créer une atmosphère à part, un espace non assimilable à celui du quotidien séculier.

Se concentrant plutôt sur la tradition occidentale de Brunelleschi à Auguste Perret ou Oscar Niemeyer, Vincent Borie propose une introduction à l'architecture sacrée et une plongée dans un espace originellement conçu pour la liturgie. À l'heure du tourisme de masse, on visite les églises sans être obligé d'être croyant, encore moins pratiquant. Quoique certaines structures, dispositions et autres ornements architectoniques ne disent plus grand-chose au visiteur contemporain fortement sécularisé, ce dernier pourra, en pénétrant une cathédrale ou une petite chapelle, ressentir une impression de grandeur ou de mystère, ou du moins expérimenter cette atmosphère tamisée propice au recueillement. L'auteur de Comprendre l'architecture sacrée, architecte de formation, qui par son parcours professionnel s'est frotté au concret de la pratique, n'entend pas ici produire une grammaire de styles des églises selon les époques romane, gothique, baroque, etc. mais plutôt tenter d'analyser cette « incandescence de l'ombre » par le « pathos » éprouvé dans ces lieux de culte. Sacralité, sainteté, communauté, théâtralité, corporéité, sensibilité, spiritualité... sont les ingrédients de l'espace ecclésial. Et l'illustrant magistralement : la coupole de la basilique Saint-Pierre de Rome qui, par la lumière qui la traverse et le silence qu'inspire la majesté de son volume, est une véritable invitation à l'élévation. Et la meilleure incarnation en pierre d'une religion où le Verbe s'est fait chair.

Vincent Borie
Comprendre l'architecture sacrée
Arléa
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 16 € ; 176 p.
ISBN: 9782363083883

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