9 JANVIER - ROMAN France

Philippe Besson a ceci d'unique que, à l'énoncé du titre de son nouveau roman, plutôt déprimant, et à la lecture de l'argumentaire, guère plus engageant, on se dit que non, cette fois-ci, il exagère, et qu'on verra l'année prochaine puisqu'il publie chaque rentrée de janvier depuis dix ans. Et puis on se lance dans la lecture, et il gagne encore son pari.

Philippe Besson- Photo STÉPHANE GIZARD/JULLIARD

Besson, par ailleurs heureux animateur de "Paris dernière" sur Paris Première, scénariste à succès et écrivain reconnu, s'est fait le romancier du drame et de la compassion. Tout en finesse, et en sachant, d'un livre à l'autre, renouveler décors et personnages afin de laisser libre cours à une imagination apparemment jamais en repos.

Cette fois, Besson se délocalise aux Etats-Unis, à Los Angeles précisément, pays de la violence extrême, du travail de deuil et des regrets. « Sorry » est sans doute le mot le plus employé par les Américains, et le plus crispant.

Désolé, donc, le peintre et surfeur Samuel Jones, ex-hippie égoïste et divorcé de sa femme, qui n'a pas su voir que leur fils Paul, 17 ans, ado en apparence sans problème, allait mal. Très mal. Au point, juste après avoir été éconduit par Meredith, une fille qui lui plaisait bien, de se pendre dans les toilettes de son lycée. C'est Scotty, son meilleur copain, qui explique au père toute l'histoire, et lui fait comprendre que les raisons du mal-être de Paul étaient bien antérieures, et profondes.

Désolée aussi, Laura Parker, serveuse à mi-temps au Joey's Cafe pour cause de divorce. Depuis qu'ils sont adultes, ses deux fils ne lui donnent plus guère de nouvelles, sauf le cadet, Vincent, qui a fait son coming out >et ne vient la voir que pour lui soutirer de l'argent. Cette femme qui a tout sacrifié à sa famille se trouve soudain confrontée à la vacuité absolue de sa vie. Et sans désir aucun de la "refaire", comme on dit. Elle a résolu, au soir du 4 novembre 2008, de mettre fin à ses jours.

Ce même jour, Samuel s'est rendu aux funérailles de Paul. L'épreuve achevée, il traîne et prend un ferry. Sur ce ferry, une femme dans ses âges, seule et apparemment désespérée. Laura, bien sûr. Ces deux grands blessés de la vie se rencontreront-ils, s'aimeront-ils et prendront-ils ensemble un nouveau départ ? On ne le dévoilera pas ici.

Pendant ce temps-là, dans le pays, l'élection possible de Barack Obama à la présidence fait souffler, après huit ans de Bush Jr., un formidable vent d'espoir. On sait ce qu'il en est advenu, et des espérances déçues. Samuel et Laura, eux, ne vont pas voter. L'un est confit dans son malheur, l'autre a décidé de larguer les amarres...

Une bonne raison de se tuer a un titre de mélo et en a toutes les apparences. Mais du bon. A petites touches, par blocs de deux chapitres où chacun des "héros" raconte son histoire, essaie de comprendre comment il en est arrivé là, Philippe Besson explore la part intime des êtres, traque leur moindre secret. C'est un roman intimiste et sensible.

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