Réalisé par Olivia La Vecchia et Stacy Mitchell, deux chercheuses de l’organisme américain Institute for local self-reliance (ILSR), ce rapport se nourrit, indiquent-elles en introduction, "de nombreuses conversations avec des dizaines de fabricants, commerçants, distributeurs, syndicalistes et autres personnes concernées, ... présente des données nouvelles et fait la synthèse d’un vaste corpus de rapports et de travaux de recherche antérieurs."
50% de part de marché des ventes en ligne aux USA
Ayant "pour ambition d’arracher le voile d’invisibilité derrière lequel Amazon se camoufle", le document rappelle qu’"Amazon empoche près de la moitié de l’argent dépensé en ligne par les Américains" et estime qu'en 2021 "le cinquième de la distribution américaine (3,6 mille milliards de dollars) aura basculé en ligne et Amazon est bien parti pour s’en attribuer les deux tiers." Mais, assurent les auteures, qui ont construit leur document en quatre partie, "Amazon, c’est beaucoup plus qu’un énorme distributeur particulièrement agressif."
Dans la première partie, intitulée Une stratégie de monopole, les auteures examinent la façon dont Amazon, avec la diversification de ses activités, "détruit la concurrence et la diversité du marché, laissant dans son sillage une économie moins diversifiée, moins innovatrice et moins riche en opportunités pour les entrepreneurs". Une montée en puissance qu’elles mettent en regard avec l’évolution du nombre de commerces indépendants locaux aux Etats-Unis qui, entre 2000 et 2015, "a baissé de 108 000, soit rapporté à la population, une chute de 40%".
La deuxième partie du rapport, Une expansion à marche forcée au détriment des emplois et des salaires analyse le modèle social d’Amazon avec le développement dans ses entrepôts "d’emplois sous-payés, souvent condamnés à la précarité de l’intérim ou, pire encore, du travail à la tâche". Au regard de l’évolution des emplois dans les commerces traditionnels, les auteures estiment que "l’expansion d’Amazon s’est soldée par une perte nette de 149 000 emplois américains à fin 2015". Elle révèlent aussi qu’en 2015 "Amazon a généré environ 1,5 million de dollars de CA par employé à plein temps dans son entrepôt. Par comparaison, les commerces traditionnels emploient environ sept personnes pour réaliser le même CA".
La troisième partie du rapport, baptisée Amazon vide les centres villes de leur substance, examine la façon dont Amazon bouleverse la relation traditionnelle au commerce, transforme l'ambiance des villes avec la multiplication des locaux commerciaux inoccupés et l’amputation de recettes fiscales pour les villes et, in fine, suscite le relâchement des liens sociaux. Selon le rapport, "en 2015, la croissance de la part de marché d’Amazon s’est traduite par la fermeture de 14 millions de mètres carrés de surfaces de vente… l’équivalent de 700 hypermarchés, plus 22 000 commerces de centre-ville."
Enfin, dans la quatrième partie, Organiser la résistance politique face à Amazon, les auteures expliquent qu’Amazon a largement construit son réseau logistique grâce aux fonds publics : d’abord "en choisissant des emplacements lui permettant d’optimiser ses avantages fiscaux" puis en"convaincant les autorités locales de subventionner ses nouveaux entrepôts". Selon le rapport, à fin 2015, "Amazon avait reçu des fonds publics pour au moins 52% de ses 77 établissements, soit 613 millions de dollars. Il faut y ajouter les 147 millions de dollars reçus pour ses data centers durant la même période. Soit, au total, 760 millions de dollars, ce qui représente 17% du bénéfice extériorisé".
En conclusion, les auteures suggèrent quelques pistes pour maîtriser la puissance d'Amazon et invitent "les pouvoirs publics à mettre fin aux subventions et avantages fiscaux généreux qui ont alimenté sa croissance et à adopter une politique susceptible de rendre l’économie numérique plus concurrentielle et plus équitable".