Édito par Fabrice Piault, rédacteur en chef adjoint

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Derrière la faillite de Chapitre, il y a un drame pour les 1 200 salariés de la chaîne de 52 librairies entraînés par DirectGroup France (Bertelsmann), devenu Actissia après son rachat par des investisseurs de l’Arizona, dans une stratégie en forme d’impasse. Il y a la promesse de nouvelles pertes pour les éditeurs et les diffuseurs, quelques mois seulement après l’effondrement de Virgin, et alors que s’est ouverte la période décisive des ventes des fêtes. Il y a, au-delà, pour la librairie française dans son ensemble, une perte considérable de valeur dont l’origine remonte à plus de vingt ans.

Car avant d’être largement dévitalisées par les choix de centralisation de leur actionnaire, la plupart de ces librairies ont été, des années 1950-1960 à la fin des années 1980, des librairies de référence dans leur ville. Confrontées à des problèmes de transmission, peinant souvent à repenser leur modèle non seulement face à la grande distribution et aux grandes surfaces culturelles, mais aussi face à une nouvelle génération de libraires qui a émergé dans les années 1970, dans l’après-Mai 68, elles ont cru trouver un sauveur en la personne de François d’Esneval. L’ex-directeur financier du Groupe de la Cité, auquel il a commencé par racheter les quatorze librairies tombées plus ou moins par hasard dans son escarcelle, s’est mis à reprendre méthodiquement les fleurons de la librairie traditionnelle dans l’Hexagone sans dégager une véritable stratégie pour l’avenir. La cession en bloc à Bertelsmann en 2005 de cet ensemble hétéroclite, au sein duquel les fortes marques et personnalités locales seront progressivement éradiquées, constituait une amputation pour la librairie indépendante, et laissait entrevoir le gâchis d’aujourd’hui.

Actissia n’est pas parvenu à donner du sens et une rentabilité à Chapitre. On peut espérer que le démantèlement rapide de la chaîne donne l’opportunité à des équipes de salariés, à des libraires indépendants ou à d’autres investisseurs de préserver le potentiel de ses magasins comme le dynamisme et la capacité de rebond de leurs personnels. C’est l’intérêt de l’ensemble du marché du livre.

05.12 2013

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