Via le ministère de la Culture, l'Etat consent un -effort sans précédent pour le livre dans son budget 2019 puisqu'il ajoute plus de 30 millions d'euros de crédit pour compenser la suppression des deux taxes qui finançaient le Centre national du livre (CNL), dans le cadre d'une simplification de la fiscalité (1). Pour rester cohérent, le gouvernement n'avait d'autre solution que de reprendre à son compte les actions que finançaient ces taxes sur les ventes de photocopieuses (22,4 millions d'euros en 2017) et les ventes de livres (4,53 millions d'euros).
Signe fort
Pour le secteur, l'opération est neutre sur le plan des moyens d'action. Mais politiquement, même si elle a été passée sous silence, lors de la présentation du budget le 24 septembre au ministère de la Culture par la ministre, Françoise Nyssen, dessaisie depuis juillet des dossiers concernant la chaîne économique du livre pour éviter tout soupçon de conflit d'intérêts, le signe est fort que d'assurer désormais sur les fonds publics la part la plus directe de l'intervention en faveur du livre. L'Etat prend le relais de ressources en diminution constante, fragilisées pour leur part la plus importante par les contestations récurrentes des importateurs et revendeurs de machines de reprographie, qui vont ainsi améliorer leurs marges.
Inscrit au titre des « subventions pour charge de service public », ce transfert représente environ 10 % du programme « livre et industries culturelles », soit à peu près la hausse des crédits de paiement prévus en 2019 pour ce poste, dont le résultat intègre aussi d'autres modifications de périmètre. Rares sont les secteurs qui bénéficient d'une telle attention dans un contexte de maîtrise de la dépense publique toujours rappelé. Le soutien à l'économie du livre, déjà assuré par le Service du livre et de la lecture, reste identique, à environ une quinzaine de millions d'euros (subventions à la Centrale de l'édition, au Syndicat de la librairie française, au Bureau international de l'édition française à la place du CNL, et crédits aux Directions générales des affaires culturelles (Drac).
La ministre a centré sa communication sur le soutien à la lecture publique, en phase avec la préoccupation du gouvernement d'afficher une dimension sociale à son action. « J'ai fait de la lutte contre l'exclusion, les inégalités et la ségrégation culturelle la ligne directrice de mon projet », déclarait Françoise Nyssen le 24 septembre en présentant le budget de son ministère. Ainsi le plan « Ouvrir plus et mieux » pour les bibliothèques, qui a bénéficié d'un crédit exceptionnel de 8 millions d'euros cette année, est renouvelé et même mieux doté : « J'ai décidé que nous mobiliserions 2 millions d'euros supplémentaires, qui compléteront en 2019 cette dynamique », a souligné la ministre. En 2018, 265 bibliothèques ont utilisé ces fonds pour étendre leurs horaires d'ouverture, bien au-delà des 200 initialement prévues.
La part du lion
pour la BNF
Le ministère poursuit également son soutien au développement de la lecture auprès des jeunes, avec les contrats territoire-lecture, qui associent bibliothèques, associations, centres de loisirs, etc. 170 contrats ont ainsi été signés l'an dernier, et sur le même modèle, des contrats territoire-écriture seront lancés en 2019, avec le concours d'associations ou de dispositifs spécifiques (Labo des histoires, Lire et faire lire, Premières pages, Des livres à soi, etc.). Au total, ce programme bénéfice de 14,2 millions d'euros.
La BNF reçoit toujours la part la plus importante du programme livre, à 207,9 millions d'euros, en hausse en raison de l'attribution directe de 3 millions d'euros de subvention pour la numérisation patrimoniale (Gallica), auparavant versée par le CNL. La Bibliothèque publique d'information recevra 9,6 millions d'euros, contre 10,6 millions cette année, les crédits étant indexés sur l'échéancier de son projet de rénovation. Il faut ajouter le droit de prêt à la Sofia : 10,5 millions d'euros au total, dont 1,1 million par le ministère de l'Enseignement supérieur, pour les bibliothèques universitaires.
Le soutien financier de l'Etat en faveur du livre et de la lecture va en effet bien au-delà des seuls crédits du ministère de la Culture. Les bibliothèques municipales et départementales recevront à nouveau 88,4 millions d'euros du « concours particulier de la dotation générale de décentralisation », sur les crédits du ministère de l'Intérieur, augmentés de 8 millions d'euros après ajout d'un amendement dans la LFI de 2018, pour financer le plan d'extension des ouvertures. Mais le budget le plus important reste celui des bibliothèques universitaires (BU), sur les crédits du ministère de l'Enseignement supérieur, qui prévoit 449.5 millions d'euros au total (+ 0,42 %). Les 2 millions d'euros de crédits pour l'extension de l'ouverture des BU sont renouvelés.
Education nationale
Il faut aussi compter le financement des manuels scolaires au collège public : 18 millions d'euros, dont 9 de crédits supplémentaires maintenus, pour compléter le renouvellement d'ouvrages conformes aux nouveaux programmes. Il faut y rajouter pour les établissements privés 10,3 millions d'euros, qui servent aussi à d'autres dépenses (action culturelle, matériel informatique, etc.).
L'Education nationale contribue aussi pour une dizaine de millions d'euros au droit de photocopie et d'exception pédagogique perçus par le CFC. Enfin, une part inconnue des 34 millions d'euros du pass culture pourrait aller à l'achat de livres, et une proportion également non évaluée des 18 millions d'euros compensant la hausse de la CSG pour les artistes auteurs ira à des écrivains.
Le livre dans le budget
334,1 Mds €
Budget de l'Etat pour 2019
8,2 Mds €
Budget du ministère de la Culture
0,3 Md €
Livre et industries culturelles
(dans le budget du ministère)
0,89 Md €
Dépenses livre et lecture dans l'ensemble des ministères (estimation d'après les « bleus budgétaires »)
L'activité des bibliothèques
11,7 millions de visiteurs
Fréquentation des bibliothèques municipales
1,37 million
Fréquentation de la BPI (Centre Pompidou)
0,92 million
Fréquentation de la BNF
856
Projets d'équipement de bibliothèques soutenus par la dotation générale de décentralisation (DGD)
265
Extensions d'ouverture soutenues par la DGD (en 2018)