Crise de lecture chez les jeunes

Rachida Dati et Elisabeth Borne lancent les États généraux de la lecture jeunesse

Elisabeth Borne, ministre de l'Education et Rachida Dati, ministre de la Culturen, en avril 2025 à l'Elysée - Photo QUENTIN DE GROEVE / Hans Lucas via AFP

Rachida Dati et Elisabeth Borne lancent les États généraux de la lecture jeunesse

Un comité de pilotage devra identifier des leviers d'action et proposer des mesures rapidement déployables pour enrayer la désaffection des jeunes pour la lecture.

J’achète l’article 1.5 €

Par Éric Dupuy
Créé le 03.07.2025 à 15h00

Les États généraux de la lecture pour la jeunesse, annoncés ce jeudi depuis la médiathèque de Suresnes par la ministre de la Culture Rachida Dati et la ministre de l’Éducation Élisabeth Borne sont une réponse de l’exécutif à la préoccupante étude du Centre national du livre (CNL) parue en avril dernier.

Concrètement, les ministres ont mandaté un comité de pilotage présidé par Nicolas Georges, directeur du service du livre et de la lecture au ministère de la Culture, pour réaliser un diagnostic et proposer des mesures rapidement déployables pour enrayer la désaffection des jeunes pour la lecture.

Cette équipe d’une dizaine de personnalités, pluridisciplinaire, comprendra des enseignants, un auteur jeunesse, un spécialiste du numérique et un responsable de bibliothèque.

Conclusions rendues lors du SLPJ de Montreuil 2025

Le comité s'appuiera sur une méthodologie diversifiée et rendra ses conclusions lors du Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, fin novembre (du 26 novembre au 1er décembre). Sont prévus entretiens, concertations, rencontres publiques dans les bibliothèques et établissements scolaires. Les jeunes seront directement interrogés via l'application du pass Culture, qui affiche un taux de pénétration de 89 % chez les lycéens, et lors de l'opération « Biblis en folie » prévue le premier week-end d'octobre.

Les dernières études du CNL dressent un tableau préoccupant. 16 % des jeunes déclarent ne pas lire du tout dans le cadre scolaire, où la lecture est pourtant obligatoire. Un sur cinq ne lit pas du tout dans le cadre des loisirs. À partir de 16 ans, moins de 50 % des jeunes lisent par goût personnel sur leur temps libre. Plus inquiétant encore, près d'un jeune sur deux fait autre chose pendant ses lectures : envoyer des messages, regarder des vidéos.

Le déséquilibre avec les écrans est saisissant : les jeunes Français consacrent plus de dix fois plus de temps aux écrans chaque semaine qu'à la lecture. Cette tendance trouve un écho dans les évaluations nationales : un élève sur deux en CE2 ne comprend pas un texte simple.

Politiques publiques sectorielles

Face à ce constat, l’exécutif envisage plusieurs pistes. D'abord, l'analyse des politiques publiques sectorielles avec l'identification des axes d'amélioration de la coopération entre acteurs. L'objectif : rationaliser un écosystème d'intervenants et de financeurs parfois dispersé.

Le comité se concentrera particulièrement sur les modalités concrètes de la lecture : moments, lieux, postures physiques. Cette approche pragmatique vise à améliorer les conditions favorables à la lecture, en s'appuyant sur le constat que l'ancrage dans une habitude constitue un facteur décisif de succès.

Le rôle des familles sera également analysé, notamment pour développer les moments de lecture partagée. Une attention particulière sera portée aux représentations genrées et aux différences de pratiques entre garçons et filles.

La question sensible de la lecture plaisir à l'école

Selon l’entourage de la ministre de l’Éducation, l'un des enjeux concerne la place de la lecture plaisir dans l'enceinte scolaire, distincte des lectures prescrites. Le comité devra déterminer quelle place peuvent occuper les littératures de genre, souvent plébiscitées par les élèves mais parfois négligées par l'institution.

Cette réflexion s'inscrit dans la continuité des initiatives déjà déployées par l'Éducation nationale telles que « les Petits champions de la lecture » et « Si on lisait à voix haute », qui touchent plusieurs centaines de milliers d'élèves annuellement. Les résidences d'auteurs (1 000 par an) et les masterclass (2 000) constituent un maillage dense d'interventions, notent déjà les cabinets ministériels.

Les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les territoires ruraux seront aussi diagnostiqués avec l’ambition d’identifier des pistes concrètes pour améliorer l'accessibilité des ressources face aux contraintes d'offre éditoriale limitée, d'absence d'espaces de lecture et de problématiques de transport.

Ces États généraux, dont le budget n'a pas été encore révélé par les équipes ministérielles, s'articulent avec deux autres chantiers : la mission « Reconquête de l'écrit » portée par le ministère de l'Éducation nationale et la concertation sur les temps de l'enfance. Cette coordination interministérielle marque une approche globale inédite sur les questions de lecture pour la jeunesse, selon les représentants du ministère.

« Toute initiative en faveur de la lecture est bonne à prendre », confie à Livres Hebdo un acteur du secteur, qui s'interroge néanmoins sur la proportion de la « communication politique » par rapport à « des résultats concrets qui pourront aboutir ».

Reste que les représentants de la filière ne semblent pas avoir été concertés sur l’élaboration de ce programme et dans l’entourage de la Commission jeunesse du Syndicat national de l'édition, on reste également prudent sur les solutions concrètes qui émaneront de ces états généraux.

Les dernières
actualités