Congrès de l'ABF

Un débat tendu sur les fermetures de bibliothèques

Philippe Collomb, Anna Marcuzzi et Eric Fiolle au Congrès de l'ABF le jeudi 15 juin 2017 - Photo Véronique Heurtematte

Un débat tendu sur les fermetures de bibliothèques

Jeudi 15 juin, la rencontre du congrès de l'Association des bibliothécaires de France dans laquelle intervenait le maire de Grenoble, où deux établissements ont été fermés en 2016, a suscité des échanges vifs qui ont néanmoins permis d'exposer la diversité des positions ainsi que la complexité de ce type de situation.
 

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Par Véronique Heurtematte,
Créé le 21.06.2017 à 18h17

Programmée à juste titre dans la série des "Sujets qui fâchent", la rencontre du congrès de l'Association des bibliothécaires de France (ABF) sur le thème "Fermer une bibliothèque, est-ce une source d'inégalité ?" a provoqué, comme chacun s'y attendait, des échanges animés.

L'intervention la plus attendue de la session était celle du maire de Grenoble, Eric Piolle (EELV) qui a exposé le contexte - un plan d'austérité mis en place en 2016 en raison de graves difficultés budgétaires - qui a conduit, notamment, à la fermeture de deux bibliothèques de quartier.

"Fermer une bibliothèque qui marchait bien, ça n'a pas de sens."

"On aurait pu choisir de diminuer les moyens, supprimer des services, ce qui aurait été moins visible, mais nous avons fait le choix fermer deux petites bibliothèques, peu ouvertes, et d'aller vers des établissements de taille intermédiaire, offrant tous les services, qui s'articulent avec des bibliothèques de proximité, a argumenté l'élu. A Grenoble, tous les habitants sont à 15 minutes à pied maximum d'une bibliothèque. Certains usagers ne veulent pas fréquenter un équipement situé seulement à 300 mètres de chez eux au motif que ce n'est pas dans leur quartier. Mais aujourd'hui, peut-on encore rester dans cette logique de fracturation urbaine ?".

Deux salariées de Grenoble, membres du collectif de sauvegarde des bibliothèques, ont pris la parole après une passe d'arme brève mais tendue avec le président de l'ABF, Xavier Galaup. "C'est toujours dans les quartiers les plus fragiles qu'on supprime les services publics, fermer une bibliothèque qui marchait bien, ça n'a pas de sens", s'est indignée la première, tandis que la seconde a dénoncé "une logique purement comptable, conduisant à la baisse de qualité du service de lecture publique".

Un exemple anglais qui secoue l'auditoire

Anna Marcuzzi, directrice des médiathèques de la ville et de l'Eurométropole de Strasbourg, a évoqué le tabou attaché à toute fermeture de bibliothèque. Or,"il y a une forme de courage pour aller jusqu'à fermer des bibliothèques afin de sauver le reste du réseau", a-t-elle relevé.

Les deux fermetures de Grenoble s'inscrivent dans un plan de redéploiement très pensé du service de lecture publique qui n'est pas laissé à l'abandon par la mairie, loin s'en faut. Toujours est-il que la cartographie fait clairement apparaître un vide dans la partie sud ouest de la ville et que la suppression de 6 postes soulève la question des moyens humains. Car un réseau de lecture publique peut absorber une baisse de financement, dans une certaine mesure seulement.

Le témoignage sincère et sans détour de Tony Durcan, directeur adjoint de la municipalité de Newcastle, au Royaume-Uni, a secoué les auditeurs. Dans un pays où 25 % des postes de bibliothécaires ont été supprimés, et 343 bibliothèques fermées entre 2010 et 2016, la ville de Newcastle est passée de 18 bibliothèques municipales en 2012 à 8 en 2016, les autres étant gérées par des bénévoles ou dans le cadre de partenariats, de 1,3 millions de prêts de documents à 621 000, et de 2,3 millions de visiteurs à 1,4 millions.

"Il faut continuer à délivrer un service de lecture publique, dans d'autres bâtiments, comme la poste, ou même là où il n'y a plus de bâtiment, a défendu Tony Durcan. Mais il n'y a pas de magie, arrivera un moment où nous n'aurons plus assez d'argent pour assurer un service de base et où nous ne pourrons plus atténuer les conséquences des fermetures de bibliothèques".

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