Pari réussi pour la petite équipe composée de Sylvain Bourmeau (« La suite dans les idées » sur France Culture, ancien directeur adjoint des Inrocks et de Libération et journaliste fondateur de Mediapart), Raphaël Bourgois (« Avis critique » sur France Culture), et Cécile Moscovitz (passée par Gallimard, le MOTif et l’ambassade de France en Italie), tous trois assistés par Hélène Fromen (Le Monde.fr, 20 Minutes, Mediapart et actuelle directrice de Wellcut).
AOC sera « un journal d’auteurs », explique Sylvain Bourmeau à Livres Hebdo. Du lundi au vendredi, trois articles seront publiés quotidiennement, chacun dans sa rubrique (Analyse, Opinion, Critique). Le samedi, un grand entretien sera mis en ligne. Pour le dimanche, le média accueillera une nouvelle, qui pourra être écrite par « un Nobel ou un novice. »
« Le journalisme, ça ne peut pas être qu'une profession. C’est une fonction sociale », explique-t-il, soulignant la crise de légitimité vis-à-vis de ce métier. Constatant qu’il y a « une envie chez un certain nombre de gens – chercheurs, enseignants, artistes, écrivains, intellectuels au sens large – de prendre part à l’espace public », il veut recréer cette confiance perdue en misant sur la qualité et la pertinence des textes. Contrairement à The Conversation, qu’il compare à l’éditeur L’Harmattan, il revendique l'exigence d'une maison d’édition classique.
Logique d’éditeur
« Nous offrirons un regard plus qu’une expertise, en alliant des compétences pointues avec une écriture de qualité. Ce n’est pas de la littérature grise », affirme-t-il. La ligne éditoriale sera, assure-t-il, variée et pluraliste, avec 17 textes, en format long, sur 17 sujets différents chaque semaine. La culture ne sera pas oubliée mais elle sera traitée là aussi avec un éclairage singulier : un écrivain parlant de théâtre ou un historien critiquant un film. « Il n’y aura aucune logique de prescription », précise-t-il.
AOC se distinguera aussi de ses concurrents en se définissant comme du journalisme d’analyse, au contraire de Mediapart, qui se concentre sur l’information exclusive, Le 1, qui tourne autour d’un thème unique, ou Les jours, qui se focalise sur le reportage. Un journalisme payé en droits d’auteur et parfois en piges. La structure ne comprend que trois salariés : soit un modèle économique plus souple et moins risqué. Les auteurs seront rémunérés de façon forfaitaire, les objectifs ne sont pas démesurés (10 000 abonnés en 2e année à 12€ par mois sauf pour des catégories ciblées). La publicité (pas plus de 5% des revenus) ne sera pas indexée sur l’audience.
Déclinaisons physiques
Le projet d’AOC va cependant plus loin que le média francophone en ligne. Les textes littéraires, fictions ou poèmes, parus le dimanche, pourraient se retrouver dans un recueil annuel, coédité avec un partenaire. « Je le vois comme un bel objet, avec un travail graphique recherché, en tirage limité », confie Sylvain Bourmeau. Pour l’instant, ce projet est en réflexion : il évoque quelques pistes possibles comme la distribution uniquement aux abonnés ou la diffusion en libraire. Le travail éditorial d'AOC pourra aussi s’étendre à un partenaire éditeur pour les textes publiés par le journal : « Avec 70 textes par mois, ce sera une véritable pépinière de livres à venir », évoque-t-il en rêvant de faire du nouveau site un laboratoire.
A cela s’ajoutera une autre activité, événementielle, autour des auteurs, que ce soit dans des établissements publics ou des entreprises, sous formes de journées d’étude ou de séminaires. Mais Sylvain Bourmeau veut aussi créer un festival de la nouvelle, un format idéal pour échanger et débattre. « Le quotidien d’idées » ne manque pas d’idées.