Blues bosniaque. Né en 1960, l'écrivain et poète Semezdin Mehmedinović avait composé et publié Sarajevo blues au début du siège, en 1992. Après avoir publié en 2022 son roman Le matin où j'aurais dû mourir, les éditions Le Bruit du monde donnent enfin à lire ce texte en français. Ce puissant recueil de poèmes, de fragments, empreints de rêves marqués par le trauma de la guerre de Bosnie, évoque le siège de Sarajevo et le génocide des Bosniaques. « L'esprit de tolérance de Sarajevo, associé à la cohabitation de différentes confessions dans la même ruelle étroite, était une naïveté des historiens. La véritable tolérance, c'est celle-ci, sur laquelle pas un seul mot n'a été écrit : la cohabitation entre les motifs bosniens sur les tableaux aux murs et le Coca-Cola, la même eau qui bout pour le café d'un vieux avec son béret noir et le café d'un chevelu en jean qui se pique à l'ombre du minaret. » En Bosnie demeurent encore, sur les façades des bâtisses, des traces de balles et d'obus qui laissèrent les paysages en ruines ; le cimetière de la ville martyre Srebrenica est aussi un mémorial pour les victimes du génocide de 1995 ; sur ce territoire, les plus longues recherches ADN menées en Europe (et toujours en cours) sur des corps déterrés de fosses communes ont permis d'identifier plus de 8 000 victimes. L'auteur décrit avec finesse l'impact de ces années sur les générations d'après : « Quel programme scolaire destiner à des enfants qui se blessent aux éclats de grenades coupants comme des lames de rasoir ? »