Quand elle est inaugurée en mai 1979, la bibliothèque municipale de Roubaix a déjà une longue histoire derrière elle. Dans cette ville ouvrière qui a connu un essor démographique colossal, passant de 8 000 habitants au XVIIIe siècle à 125 000 au début du XXe siècle, la première bibliothèque d'instruction publique voit le jour en 1856. Elle ferme quelques années plus tard, en 1890, laissant la ville sans bibliothèque jusqu'en 1959, soit près de 70 ans. A cette date, la municipalité achète un bâtiment sur la grande place de la ville et recrute un directeur qui élabore un projet novateur pour l'époque : collections entièrement en accès libre, adoption de la classification Dewey. Le succès auprès du public est immédiat et la bibliothèque devient un modèle à l'échelle nationale, visitée par des délégations entières de professionnels.
En 1972, l'établissement obtient de l'Etat d'entrer dans le cercle restreint des bibliothèques classées, non parce que, comme c'est le cas généralement, elle détient un fonds documentaire patrimonial, mais pour « son activité exceptionnelle au cours des dernières années ». L'activité reste soutenue et, très vite, la nécessité de doter la bibliothèque, complètement saturée, d'un nouveau bâtiment, s'impose. En mai 1979, elle intègre en plein centre-ville un nouvel édifice de 5 100 m2 sur quatre niveaux qui abrite également une discothèque, une vidéothèque et des salles polyvalentes. L'ensemble s'appelle Centre culturel du forum, ce qui lui vaut le surnom de « petit Beaubourg roubaisien ». Cette appellation marque la volonté des concepteurs du projet de ne pas réduire ce nouvel équipement culturel à la bibliothèque.
Ils prévoient, de manière assez précurseuse, que la bibliothèque soit aussi « un lieu de rencontre, de discussion, d'ouverture à des domaines autres que le livre, un forum d'idées en quelque sorte ». En 1989, l'établissement prend le nom de médiathèque municipale de Roubaix. Dans les années 2000, il sature à nouveau, son aménagement intérieur se révèle daté et inapte à intégrer les nouveaux services et les nouveaux usages qui se sont développés en bibliothèque en ce début de XXIe siècle. La bibliothèque élabore, dans le cadre de sa labellisation comme Bibliothèque numérique de référence, un ambitieux programme de rénovation et un nouveau projet d'établissement très inspiré par les bibliothèques d'Europe du nord que l'équipe visite. Le rez-de-chaussée, entièrement transformé, passe de 160 à 1 200 m2 d'espace pour le public. Les collections sont redistribuées sur tous les étages, offrant un nouveau parcours documentaire. De nouveau services sont créés, notamment numériques. L'équipement rénové ouvre en 2015 sous le nom de médiathèque de la Grand'Plage, avec des horaires très étendus, 50 heures par semaine, se montrant là encore en avance sur la vague des extensions horaires suscitées par la politique nationale de l'Etat au cours des deux dernières années.
L'équipe poursuit sa démarche d'amélioration continue et travaille maintenant au programme « La Grand'Plage 2025 ». Celui-ci envisage l'intégration des archives municipales qui s'installeraient dans un bâtiment adjacent à la médiathèque, qui reste à construire. Elle doit aussi répondre à plusieurs grands défis communs aux établissements de lecture publique aujourd'hui, notamment dans le domaine de l'inclusion numérique. Rançon de son succès, elle doit aussi gérer l'accueil et la cohabitation de publics très divers, parfois peu familiers des bibliothèques et de la manière de s'y comporter, tels que ces adolescents arrivant en foule à la sortie du collège, et semant régulièrement le trouble. V. H.