Histoire/France 2 mai Jean-Noël Castorio

L'idée est originale, le résultat stimulant. En onze études qui sont autant de promenades dans la Rome antique Jean-Noël Castorio (université du Havre) se propose de nous expliquer pourquoi cette époque fascine toujours. Enfin, ce qui nous captive, ce sont surtout ses excès, ses débordements érotiques réels ou avérés et bien sûr sa chute. L'historien a eu l'excellente idée de traiter de tout cela à partir d'œuvres marquantes, qu'il s'agisse de grands livres comme le Titus Andronicus de Shakespeare, le Salammbô de Flaubert ou Les mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar. Il y ajoute quelques tableaux célèbres tels le Tarquin et Lucrèce du Titien, Les roses d'Héliogabale de Lawrence Alma-Tadema mais aussi des séries télévisées comme Rome ou Spartacus, gladiateur en qui Marx voyait « un vrai représentant du prolétariat antique ». On ne peut omettre bien sûr les films de Fellini dont la figure tutélaire traverse ce livre malicieux avec le Satyricon et Roma. Le réalisateur expliquait d'ailleurs que « le monde antique n'a jamais existé, nous l'avons rêvé ». Inutile de dire qu'il fait partie des artistes qui ont nourri ce songe.

Dans l'immense héritage de Rome, Jean-Noël Castorio souligne ce sentiment de décadence qui revient cycliquement comme si l'apogée d'une civilisation annonçait son déclin imminent. Dans ce théâtre de la cruauté s'agitent quelques personnages hallucinés comme l'empereur Héliogabale ou ce bibliothécaire allemand, Friedrich Karl Forberg, qui a écrit au XIXe siècle une sorte de Kamâ sutra romain qui a beaucoup fait pour troubler les esprits.

Cette route de Rome est pleine d'embûches, de regrets, de rémissions. Elle est jonchée de cadavres, de stupre et de sanie. Elle est le grand déversoir de nos inquiétudes, de nos désirs inavoués et de nos espoirs enfouis. Mais Rome reste aussi fascinante pour tout cela. Parce qu'elle nous renvoie à ce que nous aurions pu être et que nous avons encore la possibilité de devenir.

L'Antiquité n'est que la représentation d'une période, le socle de nos inquiétudes et de nos fantasmes. En soi, elle n'existe pas, elle n'est qu'une convention périodique. Pourtant, avec beaucoup d'esprit, Jean-Noël Castorio nous montre cette absente étonnamment présente. Comme si cette impression de fin annonçait toujours le début d'autre chose.

Jean-Noël Castorio
Rome réinventée : l’Antiquité dans l’imaginaire occidental, de Titien à Fellini
Vendémiaire
Tirage: 1 500 ex.
Prix: 24 euros ; 452 p.
ISBN: 978-2-36358-328-4

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