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Rentrée universitaire : Accélérateur de transformation

La faculté de Nanterre. - Photo Olivier Dion

Rentrée universitaire : Accélérateur de transformation

La crise sanitaire a globalement accéléré les tendances à l'œuvre de longue date sur le marché universitaire. Les compléments numériques sont en plein développement.

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Par Charles Knappek,
Créé le 15.09.2021 à 11h00

Au terme d'une année universitaire 2020-2021 marquée par la crise sanitaire et la généralisation des cours à distance, les éditeurs redoutaient un effondrement des ventes. Au final, « les livres sont restés un support important pour les enseignants dans un cadre distanciel. Les étudiants ont continué à en acheter », constate Martine Pierrard, responsable marketing et communication chez Dunod.

Alors même que le marché est en baisse structurelle depuis des années, plusieurs éditeurs signalent même des croissances inhabituelles. Pearson a progressé de 7 % en éco-gestion et de 5 % en sciences ; les Puf déclarent une croissance de 4 % tous secteurs confondus tandis que chez Lextenso, qui publie LGDJ et Gualino, la progression dépasse les 10 % selon la directrice éditoriale livres Sidonie Doireau. « C'est aussi un effet de la réforme Parcoursup, estime-t-elle. La sélection opérée par les universités de droit s'est faite en faveur d'étudiants plus intéressés qui ont tendance à acheter plus de livres. »

La faculté de Nanterre.- Photo PHOTOS : OLIVIER DION

La crise sanitaire a dans le même temps bouleversé les usages, accordant une importance inédite aux contenus et compléments en ligne : « Les ressources numériques comptent beaucoup, confirme Elocia Vermeulin, directrice de De Boeck Supérieur. Elles conditionnent même parfois l'achat d'un titre plutôt qu'un autre. » L'éditeur annonce systématiser l'hybridation de ses titres universitaires à compter de cette rentrée 2021. Au sein du groupe Albin Michel, Vuibert renforce également le caractère augmenté de ses titres. Presque tous sont interactifs, proposent des vidéos, des QR Codes... « Nous sommes à +122 % de téléchargement des contenus en ligne sur notre site, ce qui représente plus de 112 000 téléchargements, toutes matières confondues, détaille Gwenaëlle Bourron-Painvin, directrice de Vuibert. Nous travaillons à systématiser les versions augmentées de nos livres avec un affichage des compléments numériques sur nos couvertures pour montrer la réelle valeur ajoutée à nos lecteurs. »

Décrochage à contenir

Les autres éditeurs ne sont pas en reste. Hors bouquet Bibliothèque numérique Dalloz, les e-books représentaient 1,6 % du chiffre d'affaires de Dalloz en 2020. Leur part atteint 2,8 % cette année. Le service « Dalloz Coaching » a également vu sa part d'abonnés progresser depuis l'an dernier. Chez LexisNexis, la plateforme Lexis360 a déployé une nouvelle version et est aujourd'hui proposée dans une soixantaine d'universités, écoles de commerce et IEP. De février à mai derniers, LexisNexis a aussi ouvert aux étudiants un accès gratuit à LexisVeille, son service d'actualité juridique. « L'objectif était d'éviter le décrochage des étudiants. Nous avons reçu plus de 6 000 demandes de codes d'accès », détaille Clémentine Kleitz, directrice éditoriale. De la même manière chez Foucher, le grand enseignement de 2020, qui perdure cette année, est la montée en puissance des e-books. Leurs ventes ont progressé de 75 % en 2020 et ont encore augmenté de 60 % depuis le début de 2021. A fin mai, ils pesaient 15 % du chiffre d'affaires de Foucher.

Martine Pierrard, Dunod : « Les livres sont restés un support important pour les enseignants dans un cadre distanciel. Les étudiants ont continué à en acheter. »- Photo OLIVIER DION

En parallèle, les ventes de bouquets aux bibliothèques universitaires ont globalement augmenté depuis un an, même si les éditeurs avancent le plus souvent en ordre dispersé. « Depuis le début de la crise sanitaire, le rapport de force tend à s'inverser, observe néanmoins Yannick Dehée, P-DG de Nouveau Monde éditions, dont la filiale Numérique Premium commercialise auprès de bibliothèques universitaires des bouquets numériques pour le compte d'une cinquantaine d'éditeurs. Avant, nous démarchions difficilement les institutions. Aujourd'hui, ce sont elles qui viennent nous voir. » La plateforme a bénéficié du report des budgets en direction du numérique : « Personne ne sait si les cours en présentiel reprendront normalement cette année, ajoute Yannick Dehée. Les BU s'adaptent. » Numérique Premium indique s'ouvrir à de nouvelles disciplines, en particulier en sciences dures, et intègre de nouveaux éditeurs à son offre pour la rentrée.

À ce titre, l'arrêt récent du service Noto Bib par De Boeck témoigne aussi de la difficulté pour un éditeur à porter seul la commercialisation de ses bouquets. Lancé en 2014, Noto Bib proposait aux institutions un accès au catalogue De Boeck sous forme de licence. Bien implanté en Belgique, il n'est jamais parvenu à s'imposer en France et souffrait de coûts trop élevés. Au sein du groupe Albin Michel, De Boeck comme Vuibert feront désormais appel à un acteur international spécialisé dans le prêt numérique. Le contrat, sur le point d'être signé au début de l'été, devrait prendre effet dès cet automne. A contrario, Pearson via sa bibliothèque d'ouvrages numériques VitalSource a poursuivi son développement. « L'enseignement supérieur est dans une phase de diagnostic pour envisager ses formules de cours, décrypte Fabienne Boulogne, responsable éditoriale et e-learning. En tant qu'éditeur hybride, nous avons pu assurer la continuité service auprès des écoles et des universités. »

 

Elocia Vermeulin, De Boeck Supérieur : « Les ressources numériques comptent beaucoup. Elles conditionnent même parfois l'achat d'un titre plutôt qu'un autre. »- Photo OLIVIER DION

 

De son côté, Numérique Premium, tire un bon bilan du lancement à la rentrée 2020 du manuel L'historien du Moyen Âge. Bien que proposé en « Open Access », le titre est suivi par les libraires et « se vend », assure Yannick Dehée. Le concept attend toujours d'être décliné dans d'autres matières.

Le papier prolonge sa durée de vie

Évidemment la production papier ne s'arrête pas pour autant. Armand Colin inaugure une collection proposant un regard neuf sur de grands textes de la littérature mondiale avec des titres comme La première fois qu'Aurélien vit Bérénice ou Le marteau brisé de Dante. En sociologie, l'éditeur lance aussi « Sociologia », destinée aux étudiants de L3 et master. Quatre titres ouvrent cette collection à la mise en page classique, mais un peu plus aérée qu'en « U ». Foucher s'attaque au nouveau diplôme Bachelor universitaire de technologie (BUT) avec une collection « Réussir mon BUT » nouvellement créée autour de trois manuels de comptabilité, économie et droit pour élèves de première année.
 

Gwënaelle Bourron-Painvin, directrice de Vuibert : « Nous travaillons à systématiser les versions augmentées de nos livres avec un affichage des compléments numériques sur nos couvertures pour montrer la réelle valeur ajoutée à nos lecteurs. »- Photo OLIVIER DION

À l'œuvre depuis plusieurs années, le développement du para-universitaire, avec des titres plus simples d'accès conçus pour faciliter la transition avec le lycée, ne connaît quant à lui aucun coup d'arrêt. De Boeck a lancé au printemps 2021 une collection « Les 100 exercices pour bien commencer sa licence » avec deux premiers titres en mathématiques et français. Positionnée comme un outil de révision des acquis supposés, cette gamme sera amenée à s'enrichir prochainement. De la même manière chez Lamarre, la collection « Objectif intégration Ifsi via Parcoursup » propose une nouveauté sur les prérequis en français. « La suppression du concours infirmier a eu pour conséquence de modifier la sociologie des élèves qui s'engagent dans la filière, décrypte Peggy Lemaire, responsable éditoriale. Certaines connaissances essentielles de la langue française ne sont pas complètement acquises et rendent nécessaire ce type d'ouvrage. »

D'une manière générale, les éditeurs s'efforcent de proposer des formats plus attractifs. Ainsi aux Puf, la stratégie à moyen terme est de réduire le nombre de collections et de rééditer certains titres en hors collection. « Les maquettes de certaines collections effraient parfois les étudiants, reconnaît Fanny Bouteiller, responsable d'édition. En hors collection nous pouvons proposer des formats plus attrayants. » Pour la nouvelle édition d'Histoire de la construction de l'Europe depuis 1945, annoncé pour septembre, l'éditeur opte par exemple pour une couverture avec une photo pleine page d'Ursula Van der Leyen. L'édition de 2018 était parue en « Quadrige » dans une couverture monochrome. Chez Armand Colin, la collection « La lettre et l'idée », lancée en 2019, devrait pour les mêmes raisons évoluer vers un format moins élitiste.

Yannick Dehée, P-DG de Nouveau Monde éditions, dont la filiale Numérique Premium commercialise auprès de bibliothèques universitaires des bouquets numériques pour le compte d'une cinquantaine d'éditeurs.  « Les ressources numériques comptent beaucoup. Elles conditionnent même parfois l'achat d'un titre plutôt qu'un autre. » Elocia Vermeulin, De Boeck Supérieur.- Photo PHOTOS : OLIVIER DION

 

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