Édito par Fabrice Piault, rédacteur en chef

Photo PHOTO OLIVIER DION

"Sans la liberté d’expression, les autres libertés échouent", a rappelé Salman Rushdie. Il s’exprimait mardi 13 octobre lors de la conférence de lancement de la Foire internationale du livre qui se déroule cette semaine à Francfort. Et le plus étrange est que, vingt-six ans après la fatwa lancée par l’ayatollah Khomeini contre l’auteur des Versets sataniques, sa déclaration paraisse autant d’actualité qu’en 1989. A Francfort cette année, l’invitation faite à Salman Rushdie a provoqué un boycott de la manifestation par l’Iran.

Au-delà, de la Chine à la Biélorussie et à la Turquie, l’Union internationale des éditeurs, le Pen Club ou Amnesty International répertorient de multiples mesures de censure, d’intimidation et de répression visant les auteurs et les éditeurs. Les libertés de parler et d’écrire restent aussi fragiles que la démocratie elle-même.

Dans une conjoncture internationale particulièrement instable, la liberté d’expression se trouve attaquée jusque dans les pays qui prétendent la promouvoir. Aux Etats-Unis, après les attentats de 2001, les libraires et les bibliothécaires américains ont pu mesurer les dégâts provoqués par le Patriot Act adopté à l’instigation de George Bush Jr. En France, l’adoption à la va-vite au début de l’été, au motif de la lutte contre le terrorisme, dans la foulée des attentats de janvier, d’une sorte de "Patriot Act à la française" qui limite sensiblement les possibilités d’enquête des journalistes et ouvre la voie à des atteintes graves aux libertés, n’est pas de bon augure.

Lundi 19 octobre, le jugement rendu par la justice italienne à l’encontre d’Erri De Luca, visé par une plainte de la société publique franco-italienne Lyon Turin Ferroviaire (LTF) pour "incitation au sabotage", constituera un nouveau test de la capacité des démocraties à résister aux tentations d’un durcissement qui finirait par se retourner contre elles. "La parole contraire ne doit en aucun cas être bâillonnée", a souligné Antoine Gallimard, l’éditeur français de l’auteur italien contre lequel le parquet de Turin a requis huit mois de prison ferme. Comme l’a rappelé, lundi 12 octobre, lors d’une soirée de soutien à Erri De Luca, le président du Centre national du livre, Vincent Monadé, "la liberté d’expression n’est pas à géométrie variable". Aux juges, on ne peut demander qu’une chose : relaxez Erri De Luca !

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