Disparition

Réjean Ducharme, l’auteur de "L’avalée des avalés", est décédé

Réjean Ducharme dans les années 60 - Photo copie d'écran/radio canada

Réjean Ducharme, l’auteur de "L’avalée des avalés", est décédé

L’auteur québécois Réjean Ducharme s'est éteint le 21 août à l'âge de 76 ans.

Par Cécilia Lacour
avec AFP Créé le 23.08.2017 à 18h00

L’écrivain québécois Réjean Ducharme, auteur du mythique L’avalée des avalés, est décédé lundi 21 août à l’âge de 76 ans, a annoncé son éditeur Gallimard dans un communiqué.
 
"La parution de L’avalée des avalés en octobre 1966 a fait l’effet d’une bombe, au Québec et plus encore à Paris", rappelle le communiqué. "Un jeune Québécois qui n’a jamais rien publié, inconnu de tous, entre dans la prestigieuse collection Blanche" et "est aussitôt en lice pour le prix Goncourt !". Le retentissement au Québec est d’autant plus grand que le Cercle du livre de France, maison d’édition de Pierre Tisseyre, a refusé le manuscrit de Ducharme, le poussant à se tourner vers Gallimard.
 
Anonymat
 
Né le 12 août 1941 à Saint-Félix-de-Valois, Réjean Ducharme s’est engagé un certain temps dans l’aviation canadienne et a voyagé en auto-stop à travers le Canada, les Etats-Unis et le Mexique.
 
Réjean Ducharme- Photo COPIE D'ÉCRAN/RADIO CANADA
L’écrivain a toujours refusé toute demande d’interview et n’a jamais fait aucune apparition publique. Seules deux photos existent aujourd’hui de lui. Ce refus de tout contact avec le monde extérieur déclenche "une saga unique dans l’histoire littéraire du Québec qui voit certains critiques jusqu’à dénier à l’auteur la paternité de son œuvre", souligne le communiqué de Gallimard.
 
"Evénement historique"
 
Son premier roman, L’avalée des avalés (Gallimard, 1966), avec son succès immédiat et sa sélection au Goncourt, consacre immédiatement Réjean Ducharme comme un des grands écrivains québécois de sa génération. Le 20 octobre 2016, la date de parution de l'ouvrage , cinquante ans auparavant, est même inscrite comme événement historique dans le Registre du patrimoine culturel du Québec.
 
Par la suite, Réjean Ducharme publie, toujours chez Gallimard, Le nez qui voque (1967), L’océantume (1968), La fille de Christophe Colomb (1969), L’hiver de force (1973), Les Enfantômes (1976), Ha ha !... (1982), Dévadé (1990), Va savoir (1994) et Gros mots (1999).
 
Le 11 septembre prochain, un manuscrit inédit de l’auteur, Le lactume, sera édité au Passage avec une préface de Rolf Puls, ancien directeur de Gallimard Québec. L’ouvrage paraîtra également chez Museo le 12 octobre, accompagné de près de 200 dessins abstraits.
 
Jeux de mots et néologismes

Dans son œuvre, Réjean Ducharme aborde régulièrement le thème de l’enfance et du rejet du monde des adultes avec un recours fréquent aux jeux de mots, aux néologismes et aux inventions de langage.
 
Il a également écrit quatre pièces de théâtre et des chansons pour les artistes québécois Robert Charlebois et Pauline Julien, tout en conservant son anonymat. Sur sa page Facebook, Robert Charlebois a rendu hommage à Réjean Ducharme.

 
Sous le nom de Roch Plante, Réjean Ducharme est sculpteur et réalise des tableaux-collages à partir de déchets. Il collabore aussi aux scénarios de deux films de Francis Mankiewicz: Les bons débarras (1980) et Les beaux souvenirs (1981).
 
Prix du Gouverneur général du Canada (1973, 1982, 1994), premier lauréat du prix Gilles-Corbeil, Grand prix national des lettres de France (1999), Réjean Ducharme est fait officier de l’Ordre national du Québec en 2000. Aucune de ces récompenses ne le fait sortir de son anonymat. Chaque fois, il se fait représenter par sa mère ou par sa femme, décédée l’an dernier.
 
Réjean Ducharme à l’étude
 
Les écrits et la personnalité de Réjean Ducharme ont intéressé de nombreux auteurs.
 
En 2001, Pierre-Louis Vaillancourt montre, dans Réjean Ducharme: de la pie-grièche à l’oiseau-moqueur (L’Harmattan), comment l’œuvre de l’auteur constitue un laboratoire de l’écriture contemporaine.
 
Elisabeth Nardout-Lafarge publie Réjean Ducharme: une poétique du débris chez FIDES en 2001. Elisabeth Haghebeart s’intéresse à Réjean Ducharme, une marginalité paradoxale (Nota Bene, 2009). Les deux femmes signent Réjean Ducharme en revue (Presses de l’Université de Québec, 2006), dans lequel elles font ressortir la complexité de la création littéraire de l’auteur.
 
Brigitte Seyfrid-Bommertz analyse La rhétorique des passions dans les romans de Réjean Ducharme (Presses de l’Université Laval, 2002). En 2006, Anne Elaine Cliche ouvre le corpus romanesque d’Hubert Aquin et Réjean Ducharme, dans Le désir du roman (XYZ), pour faire entendre comme le sujet en souffrance crie, dans la fiction de l’écriture, la forme désirée de sa lecture.
 
Marie-Hélène Larochelle offre un éclairage sur les romans de Réjean Ducharme pour faire ressortir des nuances et des rapports jusqu’alors demeurés dans l’ombre, dans L’abécédaire des monstres: fragments de Réjean Ducharme (Presses de l’Université de Laval, 2012).
 
En 2014, le Passage a proposé une relecture originale de L’hiver de force, dans L’hiver de force à pas perdus: le Montréal de Réjean Ducharme, en mettant en relation des extraits du roman de Réjean Ducharme avec des photographies de Gilles Lapointe et Sylvie Readman.

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