Reportage

Quand la littérature africaine se réunit à Sharjah

Sur la scène du premier Sharjah Festival of African Litterature, qui s'est terminé lundi 27 janvier - Photo Sharjah Book Authority

Quand la littérature africaine se réunit à Sharjah

Les autorités culturelles de l'émirat, dans leur stratégie de « soft power » sur le continent africain, ont organisé du 24 au 27 janvier la première édition du Sharjah Festival of African Litterature (Sfal), réunissant de prestigieux invités. 

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Par Olivia Snaije à Sharjah ,Émirats-arabes-unis
Créé le 28.01.2025 à 11h42

Programmé à la seule période de l'année où les températures fraîches permettent d'organiser un événement en plein air, le tout premier festival de littérature africaine de Sharjah, le Sfal (Sharjah Festival of African Litterature), a eu lieu du 24 au 27 janvier à Sharjah, émirat situé au Nord de Dubaï et qui investit massivement dans le livre ces dernières années. Deux lauréats du prix Nobel de littérature, le Nigérian Wole Soyinka et le Tanzanien Abdulrazak Gurnah, ainsi que 15 auteurs et autrices de renom, conteurs, libraires, organisateurs de festivals littéraires sur le continent africain ainsi que d’autres acteurs du livre ont été les têtes d'affiche de l'événement.

La co-commissaire de l'événement littéraire n'était autre que l'infatigable Nigériane Lola Shoneyin, poètesse et autrice primée de Baba Segi, ses épouses, leurs secrets (Actes Sud), éditrice, et organisatrice du festival littéraire le plus important au Nigeria, le Festival des arts et du livre d'Aké. Lola Shoneyin, qui a travaillé avec l'autorité du livre de Sharjah pour organiser le festival, a salué les efforts continus de l’émirat qui unit les acteurs du livre du sud global par le biais de leurs foires et conférences. Elle a cité Sheikha Bodour Al Qasimi, présente à la soirée inaugurale, comme une « amie de l'Afrique au sens le plus vrai du terme » et a déclaré que le festival est l'occasion de faire un pas vers la découverte des histoires qui ont façonné leurs propres identités, avec un passé parfois partagé.

Sheikha Bodour Al Qasimi a régulièrement montré son soutien à l’industrie du livre sur le continent Africain, une coopération qu’elle a pu développer, en particulier lorsqu'elle était vice-présidente et ensuite présidente de l'Union internationale des éditeurs (UIE) entre 2019 et 2022. Pendant son mandat l’UIE avait lancé une série de séminaires en Afrique et elle avait réaffirmé sa confiance dans la progression du secteur sur le continent.

Depuis déjà plusieurs années, les éditeurs africains sont de plus en plus présents à la Publishers Conference à Sharjah. Lors de la conférence en novembre 2024, 55 éditeurs africains avaient fait le déplacement.

Investissement et « soft power »

Alors que les Émirats Arabes Unis — et surtout Abou Dhabi — sont devenus des investisseurs majeurs sur le continent africain, l’émirat de Sharjah se concentre en grande partie sur le « soft power ». Le Sheikh Dr. Sultan bin Muhammad Al Qasimi, souverain de Sharjah, étant auteur et historien, a toujours manifesté un vif intérêt pour le continent africain et ses liens historiques avec la région du Golfe, autrefois partie de l’empire maritime d’Oman.

Déjà en 1976 il avait lancé un symposium sur les relations africaines et arabes qui a donné naissance 40 ans plus tard à la création de l'Africa Institute et plus tard de la Global Studies University qui se focalise sur les échanges culturels et universitaires afro-arabes à Sharjah. Les deux institutions sont gérées par sa fille, l’artiste et curatrice Sheikha Hoor Al Qasimi en tandem avec l’historien de l'art soudanais Salah M. Hassan.

Lola Shoneyin credit Sharjah Book Authority
Lola Shoneyin - Photo © SHARJAH BOOK AUTHORITY

Yvonne Owuor, Alain Mabanckou et les autres

Pour ces premiers liens littéraires entre Sharjah et l’Afrique, le Sfal a reçu, entre autres, l’écrivaine états-unienne d'origine nigériane Nnedi Okorafor. La romancière de science-fiction et de fantasy (l’École des loisirs, ActuSF Éditions) a reçu un avaloir à 7 chiffres pour son dernier livre, Death of the Author (William Morrow, 2025), un clin d’œil à Roland Barthes et son livre La Mort de l’Auteur, qui sera publié chez Robert Laffont.

L’Ougandaise Jennifer Makumbi (Éditions Métailié), la Zimbabwéenne Petina Gappah (JC Lattès, Plon), la Nigériane Chika Unigwe (Globe), ou encore la Kenyane Yvonne Owuor (Actes Sud) étaient tour à tour sur scène.

Alain Mabanckou, seul auteur francophone, était aussi présent. L’auteur franco-congolais, qui a fait le voyage de Los Angeles où il enseigne à l’université de Californie, prépare la prochaine édition en mars du festival littéraire Atlantide, à Nantes, dont il est directeur artistique. « Je suis un peu le francophone de service », sourit-il en faisant référence aux rares croisements entre les mondes francophone et anglophone d’Afrique. La plupart de ses romans étant traduits en anglais, Alain Mabanckou est lu et connu en Afrique anglophone et dit que pendant ces rencontres, pour les anglophones « je représente les lettres françaises d’Afrique et d’ailleurs. »

L’auteur qui a fait le lien le plus évident entre les émirats et le continent africain était le prix Nobel de 2021, Abdulrazak Gurnah, qui a grandi sur l’ile de Zanzibar, longtemps un poste de commerce important entre la péninsule arabe, le sous-continent indien, la région des grands lacs et la côte est de l’Afrique. Entre les XVIIᵉ et XIXᵉ siècles, Zanzibar était gouverné par le Sultanat d’Oman. Un passé exploré par le prix Nobel, mais également évoqué par Yvonne Owuor et Petina Gappah dans leurs romans.

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