La cheikha Bodour Al Qasimi entourée vers la droite de l'italien Andrea Giunti et vers la gauche de l'allemand Markus Dohle, assiste à la conférence d'inauguration de la 3ème édition de l'International Bookseller Conference, à Sharjah, le samedi 28 avril - Photo SBA
À Sharjah, les libraires du Sud se projettent dans l'avenir
La 3e édition de la Sharjah Booksellers Conference, organisée par l’Émirat tout proche de Dubaï, a réuni 500 libraires et s’ancre comme le rendez-vous de la profession des pays d’Afrique, du Moyen-Orient et du Sud-Est asiatique.
Par
Éric Dupuy à Sharjah, Émirats arabes unis, Créé le
28.04.2024
à 21h00, Mis à jour le 13.05.2024 à 09h41
À Sharjah, l'un des sept émirats composant les Émirats arabes unis, les pluies diluviennes qui se sont abattues il y a une dizaine de jours sont encore dans tous les esprits. Elles n'ont toutefois pas empêché l’ensemble des libraires venus des pays du Sud (« Global South »), pour la plupart invités par le gouvernement du Sharjah, d'assister à la 3e édition de l’International Booksellers Conference, ces samedi 27 et dimanche 28 avril.
Keynote avec Emile Tyan des librairies libanaises Antoine et la libraire cayrote Nadia Wassef- Photo SBA
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Deux jours durant, plusieurs centaines de libraires, éditeurs, distributeurs (500 selon les organisateurs) de 76 pays ont échangé, discuté et réfléchi autour de problématiques des métiers du livre. Les sujets comprenaient le marketing numérique, la distribution logistique, les transformations de l'industrie, les besoins des lecteurs à l'ère numérique et d'autres sujets pertinents pour l'évolution de l'industrie.
Mansour Al Hassani, directeur des programmes éditoriaux de la Sharjah Book Authority- Photo SBA
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« Les lecteurs ne sont pas nombreux ici, c’est vrai, mesure Mansour Al Hassani, directeur des services éditoriaux de la Sharjah Book Authority (SBA) qui organise l’évènement. Mais avec l’ensemble de la région du Moyen-Orient et plus encore du monde arabe, le marché est conséquent et nous voulons être la plateforme de l’industrie du livre dans la zone ». Et plus encore.
En invitant des libraires d’Asie et d’Afrique, notamment francophone depuis l’an dernier (lire ci-après), la SBA souhaite étendre son influence à l’ensemble des acteurs du livre des pays du Sud.
Atelier sur "les méthodes innovantes pour distribuer des livres Jeunesse"- Photo ED
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Le format était similaire à celui de la précédente édition. Pour lancer chaque journée de la conférence, deux personnalités ont réalisé un entretien sur scène. Samedi, le jeune vice-président exécutif du groupe éditorial fondé en 1841 Giunti, Andrea Giunti, est venu présenter le développement de sa chaine de librairies en Italie.
Fort d’un réseau de 267 détaillants, il vise « 400 à 500 établissements » à terme. « Nous ouvrons des petites et des moyennes librairies, expliquait le dirigeant de 26 ans. Souvent dans des centres commerciaux et dans des zones sans librairies ».
Approvisionnement, professionnalisation et développement
Résultat ? « Nous devons souvent en rouvrir une non loin de la première, sinon un concurrent s’y installe ! » a-t-il ajouté. Avant de convenir que le marché n’est pas facile et d'assurer miser également sur la diversification pour tenir la boutique, notamment en proposant de plus en plus de livres en version originale. Il a surtout présenté son nouvel écrin florentin : une librairie cinéma de très belle allure, sous l’acclamation du public.
Il faut dire que son exemple a fait rêver les participants, dont les préoccupations restent le plus souvent éloignées du cas de figure italien, quoique similaires d’un endroit à l’autre de ce « Global South » : approvisionnement, professionnalisation et développement.
Pour y remédier, une trentaine de tables ont accueilli dix personnes chacune autour d’un expert évoquant pendant une demi-heure une problématique : par exemple travailler avec un distributeur américain ou les multiformats de l’intelligence artificielle pour les métiers du livre. Pour ce dernier sujet, c’est l’égyptienne Fatima Abbas, de Fala agency, qui distillait ses conseils et rassurait les participants. « Utiliser l’IA n’est plus une option, a expliqué la jeune femme. Et cette technologie est d’ailleurs moins menaçante pour les métiers de la librairie. Elle permet d’aider à la logistique et de traiter de la donnée ».
Des échanges différents qu’en Occident
« C’est important que cette région à laquelle j’appartiens ait son propre rendez-vous de professionnels », a pour sa part commenté Nadia Wassef, libraire au Caire, autrice (La libraire du Caire chez Stock - 2023) et maintenant éditrice sous sa marque Diwan. J’y ai des échanges que je ne retrouve pas dans des rendez-vous similaires dans les pays occidentaux », lâchait-elle sans concession. C’est la troisième fois qu’elle fait le déplacement, certes toujours comme invitée.
« Partager notre vision du futur »
« Nous choisissons les participants à ces rencontres lorsque nous voyageons à travers les foires du monde entieret que nous y voyons un intérêt », nous explique Mansour Al Hassani, en précisant que la SBA « invite ceux qui ont les moyens afin qu’ils échangent avec ceux qui n’ont pas les moyens ». L’Émirat dirigé par le père de Bodour Al Qasimi, ancienne présidente de l’Association internationale des éditeurs, poursuit depuis une vingtaine d’années ses investissements massifs dans le monde du livre.
L'objectif est assumé et ambitieux : « Partager notre vision du futur de l’industrie, écouter et apprendre des expériences de chacun et ouvrir les portes de toutes les opportunités pour l’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Inde et l’Europe », selon la Cheikha en ouverture de la conférence. La cité de l’industrie du livre dont elle a l’autorité, vaste palais inauguré en 2017 en plein désert, accueille dorénavant une antenne de l’Université américaine de Westford. La cité « a mis cinq ans pour se remplir », explique Seth Russo, un ancien éditeur américain, passé par Scholastic et McMillan et devenu l’un des conseillers de la SBA. La structure gouvernementale compte également depuis un an l’allemand Markus Dohle, ancien P-DG de Penguin Random House, dans son conseil d’administration. Petit à petit, et encore à grand frais pour l’Émirat, Sharjah devient un incontournable du monde de l’édition du Sud.
Les libraires francophones regardent de moins en moins vers la France
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