Le 28 octobre 2015, la Cour de cassation a examiné le cas d’une société d’édition qui revendiquait la propriété matérielle de clichés photographiques qu’elle avait financés. Elle était poursuivie par un photographe qui avait œuvré durant une dizaine d’années avant de réclamer la restitution de ses négatifs.
La Cour considère que la société n’a pas besoin de rapporter la preuve d’une clause contractuelle lui cédant expressément cette propriété, mais que le fait d’avoir financé les supports vierges et les frais techniques de développement suffit à la rendre investie des droits sur ce matériel.
Rappelons qu’il existe en outre une séparation rigoureuse entre les propriétés matérielle et intellectuelle.
L’article L. 111-3 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) énonce : « La propriété incorporelle définie par l’article L. 111-1 est indépendante de la propriété de l’objet matériel. L’acquéreur de cet objet n’est investi, du fait de cette acquisition, d’aucun des droits prévus par le présent code, sauf dans les cas prévus par les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 123-4. Ces droits subsistent en la personne de l’auteur ou de ses ayants droit qui, pourtant, ne pourront exiger du propriétaire de l’objet matériel la mise à leur disposition de cet objet pour l’exercice desdits droits. Néanmoins, en cas d’abus notoire du propriétaire empêchant l’exercice du droit de divulgation, le tribunal de grande instance peut prendre toute mesure appropriée, conformément aux dispositions de l’article L. 121-3. »
Le principe est donc clair : la propriété matérielle du support d’une œuvre (manuscrit, ektachrome, toile, etc.) n’emporte en rien la propriété des droits d’auteur. La propriété matérielle des ektachromes permet tout au plus d’étayer une argumentation sur l’auteur des clichés, présomption qui souffre bien évidemment la preuve contraire.
Le cas des musées
Quant aux musées, qui exigent de toucher des redevances en cas de reproduction des œuvres qu’ils détiennent, leur position de force ne tient que par un stratagème juridique. Les musées ne possèdent en effet que la propriété matérielle des œuvres et ne font donc pas payer un véritable droit de reproduction. En réalité, les redevances ne leur sont versées qu’en contrepartie d’un droit d’accès à l’œuvre.
La seule exception au principe d’indépendance entre propriété matérielle et propriété intellectuelle concerne, comme l’indique l’article L. 111-3 du CPI, le statut des œuvres posthumes.
À l’inverse, la cession de droits d’exploitation, qui nécessite la mise à disposition du support matériel, n’entraîne pas, sauf disposition contractuelle expresse, la cession de ce support matériel, qu’il s’agisse de manuscrits ou d’Ektachromes. En pratique, l’éditeur veillera donc, à défaut de clause contraire, par exemple, à restituer les clichés originaux au photographe.
Ce principe a d’importantes conséquences sur le régime des œuvres dites de commande, comme sur celui, classique dans le milieu de l’édition, de l’exploitation de correspondances. Précisons enfin que les archives et les œuvres posthumes représentent également un cas particulier.