C'était en novembre dernier. Il était en partance pour Rome. "Deux ou trois informateurs à voir". Par "informateurs", il faut entendre des cardinaux. Car à Rome, Bernard Lecomte dirige souvent ses pas vers le Vatican. Un Etat de 44 hectares qui n'a plus de secrets pour lui. Le 2 février il publie son 18e livre, Les derniers secrets du Vatican, une suite aux Secrets du Vatican (Perrin, 2009) qui s'était vendu à 60 000 exemplaires, clubs compris, et qui fut traduit dans dix pays.
A 61 ans, ce Bourguignon d'adoption - il a repris et relancé en 2004 les éditions de Bourgogne - s'est imposé comme un expert du coeur de l'Eglise catholique. Pourtant, à l'origine, Bernard Lecomte est un journaliste politique. Sauf qu'il traite du religieux de manière politique. La révélation a eu lieu en juin 1979 où ce grand reporter qui parle russe et polonais constate les premières entailles dans le rideau de fer. Elles sont données par un homme encore inconnu, l'ancien archevêque de Cracovie, Karol Wojtyla, élu depuis quelques mois successeur de Pierre sous le nom de Jean-Paul II et dont il deviendra plus tard l'un des biographes.
Ce pape d'exception, Bernard Lecomte le suit, d'abord pour le quotidien La Croix puis pour L'Express. En 1989, il fait la couverture de l'hebdomadaire avec ce titre : "La victoire du pape", fruit d'un reportage de cinq semaines en Europe de l'Est. Cette enquête donnera en 1991 un livre chez Lattès, La vérité l'emportera toujours sur le mensonge, premier succès avec 17 000 exemplaires vendus et 17 traductions.
Depuis, Bernard Lecomte n'a jamais quitté le Vatican qu'il se plaît à décrypter sous l'angle politique et historique. Son Jean-Paul II (Gallimard, 2003) auquel il a travaillé pendant quatre ans était politique, et c'est pour cela aussi que cette biographie fait toujours référence. "J'ai même entrepris un tour de Pologne pour expliquer le pape aux Polonais..."
Dans son travail, Bernard Lecomte profite de l'inculture religieuse de l'époque et de la presse en particulier. Comme Frédéric Lenoir ou Odon Vallet, il intervient souvent comme consultant sur les plateaux de télévision ou à la radio pour éclaircir une notion ou simplement rétablir une vérité.
Pourtant, sur dix-huit livres, sept sont consacrés à la papauté. Ce sont ceux qui ont recueilli le plus d'adhésion et ont fait de lui un papologue averti, un spécialiste de l'Eglise catholique qui n'hésite pas à mettre les pieds dans le plat quand il le juge nécessaire. "Aujourd'hui plus de gens sont informés de la mécanique quantique, mais personne ne fait la différence entre un synode et un concile. Et je ne parle pas de l'ignorance qui fait confondre Luther et Calvin chez les protestants ou le fait de ne pas comprendre ce qui sépare un chiite d'un sunnite dans l'islam."
Une seule religion, le journalisme
Dans son nouveau livre, Bernard Lecomte aborde seize sujets plutôt sensibles. Il revient sur les silences de Pie XII à l'endroit d'Hitler, explique comment la pièce Le vicaire fut réaménagée par un idéologue anticlérical et marxiste, fait le point sur les affaires de pédophilie et révèle comment Jean XXIII a évité l'apocalypse nucléaire ! "Ma seule méthode, c'est l'investigation. Mon seul but, c'est la vérité. Je ne cherche ni à heurter ni à conforter. Mon propos n'est pas de dire si c'est bien ou mal. La seule manière de respecter son lecteur, c'est de lui donner des faits, vérifiés et remis en perspective. Libre à lui de se faire ensuite une opinion qui sera d'ailleurs peut-être différente de la mienne."
Le Vatican qui fascinait tant le Kremlin reste un lieu de pouvoir, un grand réservoir à fantasmes. Le fait qu'on y parle et communique peu attise la suspicion. Et cela depuis quelques siècles. Pourtant Bernard Lecomte se limite aux temps modernes. "Je ne vais pas au-delà de la Révolution française tout simplement parce que je n'ai pas de formation d'archiviste. Or c'est indispensable si l'on veut comprendre certains documents." Mais alors pourquoi les "derniers" secrets du Vatican ? N'y aurait-il pas encore à dire sur le sujet ? Bernard Lecomte laisse entendre que c'est pour lui la fin d'un cycle de travail. Mais ce n'est pas parce qu'il fréquente la curie romaine qu'on lui donne le bon Dieu sans confession. D'ailleurs il le dit : "Ma religion, c'est le journalisme."
Les derniers secrets du Vatican, Bernard Lecomte, Perrin, 340 p., 21 euros, ISBN : 978-2-262-03410-8, en librairie le 2 février.