Jusqu'où répercuter l'impact de l'augmentation du prix de fabrication d'un livre ? La réponse à cette question peut valoir très cher. Surtout en ajoutant à l'équation la donnée inconnue du prix psychologique. Aussi appelé « prix d'acceptabilité », cette notion entend déterminer jusqu'à quelle somme les consommateurs sont prêts à dépenser pour l'acquisition d'un bien.

« Sur les nouveautés, je répercute systématiquement et entièrement le coût de fabrication. Il représente en bande dessinée entre 10 et 12 % du prix public, hors taxes », relève Moïse Kissous, fondateur du groupe Steinkis. Pas question, selon lui, de seuil psychologique. « Depuis plus de cinq ans, on a arrêté de penser qu'une bande dessinée jeunesse ne peut se vendre au-delà de 10 € », estime-t-il. Ce sont les best-sellers du genre, comme Astérix, qui ont brisé ce plafond de verre en dépassant le seuil fatidique des 10 € sans pour autant éroder les ventes. « Quand j'ai commencé il y a vingt ans, une bande dessinée se vendait à 9,95 €. Aujourd'hui, le prix est autour de 11,95 €. Soit une augmentation de 20 % lissée sur autant d'années », constate l'éditeur.

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Julien Papelier, directeur dénéral de Média Diffusion (Média Participations).- Photo OLIVIER DION

Mais pourquoi alors ne pas vendre à un prix rond, et afficher toujours -, 90 € ou -, 95 €, si ce n'est en pensant à l'impact psychologique du prix ? « C'est une technique commerciale qui fonctionne à la marge », reconnaît Julien Papelier, directeur général adjoint de Média Participations. Pour lui, « les réflexes des consommateurs de bande dessinée ne sont pas les mêmes que dans l'alimentaire. Il faut surtout éviter l'inadéquation entre la valeur perçue et le prix payé », poursuit-il. « Nous sommes dans un marché d'offre. L'élasticité des prix n'est pas la même pour des histoires du soir en jeunesse, où l'on choisit souvent entre deux livres, que pour une bande dessinée, où on cherche souvent un auteur précis. »

En fonction des rayons

« Je ne crois pas trop au prix psychologique d'un livre, assure de son côté Jean-Marc Levent, directeur commercial de Grasset. En littérature générale, on a longtemps évoqué le seuil des 20 € pour un grand format mais cela n'a jamais vraiment été démontré. » Par exemple, la maison a enregistré de très jolis succès avec Cher connard de Virginie Despentes et Un chien à ma table de Claudie Hunzinger, présentés lors de la dernière rentrée littéraire à 22 € et 20,90 €. Mais derrière ces autrices reconnues et plébiscités par les lecteurs et les lectrices, Jean-Marc Levent souligne toutefois qu'en cette période inflationniste il « fait plus attention aux prix de vente pour les premiers romans ou les titres de littérature étrangère ». Pour la directrice éditoriale du département jeunesse de la maison, le sujet est davantage sensible. « Il est difficile de voir des albums passer de 14,50 à 18,50 euros », déplore Valéria Vanguelov. Et de regretter qu'actuellement, « il faille négocier des bouts de chandelles, à raison de 20 centimes ici ou là ». Son avis est partagé par Frédéric Lavabre, fondateur de Sarbacane. S'il a « un peu » augmenté le prix de ses ouvrages, il constate cependant des « seuils psychologiques » dans certains segments. Si un roman graphique peut selon lui supporter une inflation de quelques euros sans problème, « vendre un album jeunesse au-delà de 15-16 € est plus compliqué ». S'il n'existe pas donc forcément de prix psychologique dans tous les rayons, la définition du prix d'un livre demande, elle, beaucoup de psychologie. C. L.

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