La vie posthume de Stefan Marković. Les assassins et les écrivains ont ceci en commun de savoir qu'il y a parfois des cadavres dont il est difficile de se débarrasser. Celui-ci par exemple, joli garçon en plus, avant du moins, de passer de vie à trépas. Voilà cinquante-six ans que la vie, et surtout la mort, de Stefan Marković hante l'inconscient collectif toujours avide des turpitudes de nos riches et nos puissants.
Faut dire... Faut dire que là, l'histoire est belle. Lorsque le 1er octobre 1968 est retrouvé, dans une décharge des Yvelines, le corps sans vie et manifestement assassiné de Marković, nul ne sait encore que ce chien perdu sans collier est depuis deux ans l'homme à tout faire du soleil noir du cinéma français : Alain Delon. Il a par ailleurs été l'amant de sa femme, Nathalie... Nul ne sait non plus bien entendu que ce meurtre aura comme victime collatérale l'ancien Premier ministre et futur président de la République Georges Pompidou, son épouse apparaissant soit disant sur des photos de parties fines prises par le guère regretté Marković... Le scandale sera énorme, tout ce que le pays comptait alors d'éminences de la politique ou du show-business plus ou moins mouillées et pourtant, le ou les auteurs du crime jamais officiellement confondus. Et ce qui était un fait divers devint donc dans l'imaginaire collectif une manière de roman.
C'est ce roman, Le cercle des obligés, que vient d'écrire Philippe Brunel. Brunel, qui fut longtemps l'une des plus brillantes plumes du journalisme sportif, n'a pas son pareil pour naviguer dans les zones d'ombre des disparitions suspectes, de Marco Pantani à Luigi Tenco. Trois unités de temps cohabitent harmonieusement dans ce récit habité : celle de la commission des faits bien sûr ; l'enquête à propos de l'affaire que mène, une quinzaine d'années plus tard, sur la Côte d'Azur près d'Hyères, Pierre Salberg, une légende des rédactions parisiennes, assisté d'un jeune homme qui débute dans la carrière ; et enfin, de nos jours, l'ultime enquête dudit assistant, le narrateur du livre, alors que Salberg a à son tour mystérieusement disparu...
Entre Modiano et Jean-Pierre Melville (Delon oblige), Philippe Brunel compose, depuis des chambres avec vue sur mer et sur crimes, un concerto pour des âmes errantes. Laissez-vous hanter.
Le cercle des obligés
Grasset
Tirage: 7 000 ex. (prévisionnel)
Prix: 20 € ; 240 p.
ISBN: 9782246841425