A Marseille, la friction avec la réalité est courante. On raconte souvent des histoires pour le plaisir de saouler la vérité. François Thomazeau connaît bien celle qui est devenue sa ville, lui qui est né à Lille. Sans doute est-ce pour cela qu’il lui fallait l’aborder avec une pointe de romanesque. Dans de précédents ouvrages, il en avait rappelé l’histoire. Cette fois, il se met en scène pour raconter « sa » Marseille, devenue capitale européenne de la culture en 2013.
Le point de départ est la résolution d’un mystère à l’oppidum des Baous, dans le quartier Saint-Marcel, où vécurent jadis des Gaulois. « Voilà des années que je cherche Marseille et qu’elle se dérobe. » L’auteur de polars et journaliste sportif va donc circonscrire cette ville par son passé, en remontant jusqu’à la grotte Cosquer. Il remarque que le dessin de l’homme tué sur une paroi, témoignage plausible d’un homicide commis il y a plus de 20 000 ans, pourrait servir de symbole à Marseille…
Il y a de la fougue, de l’humour et du savoir dans cette biographie qui affectionne les pas de côté et les chemins de traverse. François Thomazeau dévoile l’identité complexe d’une cité qui accueille et qui se refuse. Il nous fait visiter la patrie des cagoles maquillées comme des voitures volées, des dealers encapuchonnés et des footballeurs stars. Il expose l’« interminable impatience » de cette métropole avec un port qui attend toujours quelque chose. Braudel l’a montré, la Méditerranée n’est pas une mer tranquille. « Le peuple n’est apparu à Marseille qu’en 1789. C’est à ce moment-là qu’il s’exprime enfin assez fort, avec assez de verve pour qu’on l’entende et que l’Histoire tienne compte de lui. » Depuis qu’on lui a donné la parole, il ne l’a jamais rendue !
Avec ferveur, François Thomazeau évoque les aventuriers comme Forbin, Sanderval ou Clot-Bey, les anarchistes comme Louis Chave, les gangsters, Zidane, l’OM et ce joueur de la saison 1939-1940, Ahmed Ben Bella. Il rappelle aussi que Maurras était de Martigues, et qu’il n’aimait pas cette Marseille de sangs mêlés.
Sur le terrain, dans les bistrots avec le pastis pour délier les langues dans cette « éternité de messes basses », l’auteur finit par résoudre l’énigme de l’oppidum en ayant un peu plus appris sur lui-même. L. L.