Lorsque l'enfant ne paraît pas. Kali et Ponna sont un couple de jeunes paysans d'Artur, un petit village reculé comme il y en a des milliers au Tamil Nadu, l'un des grands États du sud de l'Inde. De bonne caste, ils vivent dans un enclos confortable et bien tenu, au milieu des leurs, avec leurs animaux. Mais alors que le système des mariages arrangés existe encore largement en Inde et pas seulement dans les milieux populaires, ils font preuve de singularité : ils sont follement épris l'un de l'autre, ne se quittent pas et manifestent souvent leur désir.
Cependant, après douze ans d'union, ils n'ont toujours pas d'enfant. Eux, à la rigueur, se suffisant à eux-mêmes, s'en accommoderaient. Mais pas leurs familles, surtout celle de la jeune femme. Dans l'Inde rurale traditionnelle, il est impensable qu'une lignée s'éteigne sans héritier, que la terre passe entre des mains étrangères au clan. Kali et Ponna vont se trouver exposés à une pression qui va crescendo tout au long du roman de Perumal Murugan (un des rares auteurs indiens à ne s'exprimer et à n'écrire que dans sa langue nationale, le tamoul), jusqu'à devenir insupportable : railleries, quolibets, ostracisme... Ils ont beau prier tous les dieux, se rendre en pèlerinage au sanctuaire de la Pierre Stérile, au prix d'un trek acrobatique, rien n'y fait.
Jusqu'au jour où la mère et le frère de Ponna, Muttu, pourtant le meilleur ami de Kali, imaginent une solution, puisque le mari se refuse à prendre une seconde épouse. Durant le grand festival de Karattur, il est admis qu'une femme sans enfant puisse se donner à n'importe quel homme, lequel est alors assimilé à un dieu, afin de procréer − à noter qu'à aucun moment il n'est envisagé que ce soit l'épouse qui soit infertile. Mais Kali n'acceptera jamais et Ponna ne fera rien sans sa permission. Muttu va alors recourir à un stratagème qui pourrait bien avoir de graves conséquences...
À travers ce drame social dans une Inde profonde qui rappelle un peu celle des romans de R.K. Narayan ou des films de Satyajit Ray, Perumal Murugan dépeint l'emprise du clan, de la famille, de la caste, du respect des convenances, qui finissent par briser des innocents. Après sa parution, en 2014-2015, Femme pour moitié a suscité des réactions violentes de la part de certains mouvements extrémistes hindous, à propos du fameux rituel d'accouplement avec un inconnu « divin ». Murugan s'est un temps réfugié dans le silence. Son livre l'en sort aujourd'hui pour le public français.
Femme pour moitié
Gallimard
Traduit du tamoul (Inde) par Léticia Ibanez
Tirage: NC
Prix: ND ; 224 p.
ISBN: 9782073010926