Avant-Critique Roman noir

Quelques coupures de presse jaunies et une poignée de Kodachrome passés racontent cette mélancolie teintée de rêves guillotinés. Les Trente Glorieuses chancellent. Les crises et la césure des années 1960 et 1970 allaient remettre tout le monde dans le droit chemin, celui du chômage et de la domestication. Les photos défilent et ravivent les souvenirs. Arthur Sorot les effeuille et les décrypte. On y croise les mots de Léo Ferré ou le destin bringuebalé du banquier espagnol Angel Suarez dont l'enlèvement par un groupuscule anar inséminera l'exemple à fuir aux cinq ados protagonistes banlieusards du présent roman. 1974 donc, fin de partie : pour singer ses héros, le Club des Cinq zéros monte un braco aléatoire. Un lambda Edmond Vuillat, passant mal inspiré, y laissera ses plumes de dommage collatéral d'un crime non élucidé. Un presque demi-siècle plus tard, son boulet de meurtrier honteux réveillé par les chapitres de son histoire racontée par un auteur anonyme un brin corbeau, Arthur repart sur les traces de sa culpabilité. Ses potes retrouvés sont morts, fourvoyés, en déshérence, en chic ou en toc. Les phrases dansent sous le feu nourri d'une poésie anthracite, entre étincelles d'hier et éteignoirs d'aujourd'hui. Cette prose onduleuse et inédite fait de Pour tout bagage une brillante parenthèse expérimentale dans l'œuvre de Patrick Pécherot, un peu comme le fut jadis Fatale pour celle de Jean-Patrick Manchette, justifiant sans doute son même transfert de la « Série Noire » vers « La Noire ».

Patrick Pécherot
Pour tout bagage
Gallimard
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 19 € ; 180 p.
ISBN: 9782072969720

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