Droits d'auteur

Partage de la valeur : et maintenant ?

Contrat d'édition. - Photo Olivier Dion

Partage de la valeur : et maintenant ?

L’étude du Syndicat national de l’édition (SNE), publiée le 1ᵉʳ février, a suscité de nombreuses critiques dénonçant une vision « biaisée » du partage de la valeur du livre entre auteurs et éditeurs. Le SNE insiste sur sa « réalité économique ».  Quelle suite donner ?

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Par Éric Dupuy
Créé le 26.02.2024 à 17h47 ,
Mis à jour le 27.02.2024 à 08h19

C’est une pierre à l’édifice des relations entre auteurs et éditeurs apportée par le Syndicat national de l’édition (SNE) qui a été perçue comme un pavé dans la mare par les représentants d’auteurs.

« Des données économiques fiables »

En cause, la conclusion de cette étude sur le partage de la valeur générée par le livre qui révèle que 25 % du chiffre d’affaires net d’une maison d’édition revient aux auteurs et 18 % est conservé par l’éditeur, une fois ses coûts directs assumés.

« Une présentation qui fausse la lecture de la réalité et laisse croire que l’ensemble des auteurs bénéficient de rémunérations satisfaisantes », a réagi le Conseil Permanent des Écrivains (CPE).

« Ce qui contraint cette étude, c'est la capacité à s’appuyer sur des données fiables, argumente Renaud Lefebvre, Secrétaire général du SNE. On est parti de la comptabilité des entreprises, approuvée par les Assemblées générales d’actionnaires, certifiée par les commissaires aux comptes ».

Cette étude a en effet été réalisée sur les comptes sociaux 2022 d’un panel de 36 maisons d’édition membres du SNE, selon une méthodologie revue par le cabinet KPMG. Avec un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros au prix public hors taxes, l’échantillon représente 29,2 % du marché́ sur les cinq genres éditoriaux entrant dans le périmètre de l’étude.

Selon la Société des gens de lettres (SGDL), l’étude est « focalisée sur les grands groupes et exclut les ouvrages scolaires et universitaires, ainsi que les mangas », générateurs de chiffre d’affaires conséquent pour les maisons. « Une étude basée uniquement sur des moyennes, même si elle a le mérite d’exister, ne permet pas d’analyser par ailleurs la distribution inégale des revenus et la paupérisation de la plus grande partie des auteurs et autrices », critique de son côté la Ligue des auteurs professionnels.

« La richesse des uns ne se fait pas sur les revenus des autres »

Qu’est-ce que cela dirait s’il y avait eu un poids plus important des petites maisons dans l’analyse ? « Sur notre fameux camembert, on aurait constaté des droits d’auteur légèrement inférieurs et des coûts de fabrication supérieurs », répond Alban Cerisier, membre du bureau du SNE. « Il y a une étude complémentaire sur la rentabilité des maisons par le ministère, on voit très bien que la part des éditeurs est zéro. La richesse des uns ne se fait pas sur les revenus des autres », conclu le Secrétaire général des éditions Gallimard.

Sur la place des éditeurs, peu sont loquaces sur cette étude. L'un d'entre-eux évoque dans un sourire « un camembert d’origine contrôlé » en précisant tout de même que « cela a le mérite de remettre l’église au milieu du village ». Vraisemblablement, les discours engagés entre les représentants d’auteurs et ceux des éditeurs sur la question de la rémunération ont atteint, ces dernières années, un sérieux niveau d’incompréhension. « On ne parle pas la même langue », déplore Hervé Rony, directeur général de la Scam. « Il y avait un manque, reconnaît Renaud Lefebvre, on a fait notre part du boulot pour le combler. Cette étude fixe des ordres de grandeurs. On ne règle pour autant pas - mais ce n’était pas prévu ! - la question des relations auteurs et éditeurs ».

D’autres actions en développement

Toutes les organisations d’auteurs saluent la démarche inédite de transparence du SNE, mais souhaitent évidemment aller plus loin. Le CPE « persiste à demander l’adoption d’un dispositif encadrant les pratiques sur la rémunération des auteurs » quand la Ligue forme le « vœu que cette discussion sera fructueuse pour l’ensemble des acteurs impliqués ». Elles ne sont pas les seules. « Il faut poursuivre le travail de documentation, secteur par secteur, afin de rendre les débats les plus pragmatiques possibles », avance Louis Delas, vice-président du SNE. « Le secteur de l’édition est tellement varié que les problématiques dans la Jeunesse ne sont pas les mêmes qu’en Littérature générale ou en BD », poursuit-il.

Le syndicat invite d’ailleurs l’ensemble des acteurs à fournir des données équivalentes, afin de parler cette fois le même langage. « Plus on apportera des éléments concrets chiffrés, mieux on se comprendra et plus on sera en capacité d’aborder les vraies questions, et de faire la part entre la règle et les anomalies », insiste Vincent Montagne, président du SNE. D’autres actions sont poursuivies en ce sens boulevard St-Germain, sous l’égide du Ministère de la Culture. Il y a d’abord la rédaction d’un guide des bonnes pratiques qui précédera la mise à jour d’une nouvelle formule de contrat d’édition. « À la rentrée littéraire prochaine, on devrait être en ordre de bataille pour ce dispositif », assure le P-DG du groupe Média-Participations. Il y a également la constitution d’une instance paritaire pour régler les litiges entre auteurs et éditeurs. Elle pourrait être finalisée avant l’été, selon le SNE. Autant de briques pour consolider les relations entre les parties…

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