Ville privilégiée où éditeurs, écrivains, libraires ont de tout temps élu domicile, pôle incontesté de la vie culturelle et intellectuelle, Paris a entretenu de tout temps un rapport privilégié avec le livre. Depuis une dizaine d’années, cependant, les mutations économiques qui traversent le marché du livre, notamment la dématérialisation des biens et de leur diffusion, la hausse croissante des loyers commerciaux et les niveaux élevés qu’ils atteignent dans le centre de la capitale, ont tendance à fragiliser certains acteurs du secteur. La Ville de Paris a donc mis en place plusieurs dispositifs d’aide en direction des éditeurs et des libraires. L’opération Vital’Quartier, gérée depuis 2004 par la Semaest (1), a par exemple permis la reprise ou le maintien d’une cinquantaine de commerces culturels dans plusieurs quartiers. Le 5e arrondissement, qui abrite le fameux Quartier latin, fait depuis 2008 l’objet d’un effort particulier de la part de la Semaest qui propose des loyers inférieurs au prix du marché. Malgré ces dispositions avantageuses, l’organisme reconnaît rencontrer des difficultés pour installer de nouvelles librairies dans ce secteur. Il souligne en revanche l’émergence de commerces d’un genre nouveau, peut-être mieux adaptés au contexte : "Nous voyons apparaître depuis quelque temps des lieux basés sur un concept mixte avec une activité d’édition et un espace librairie", relève ainsi Aurélie Seyer de la Semaest.
Ouvert en 2011, également dans le 5e arrondissement, le Labo de l’édition, lieu unique en France à ce jour, est dédié aux professionnels du livre et de l’édition désireux d’accéder au marché du numérique. Il abrite, sur près de 500 m2, un incubateur d’entreprises. Depuis sa création, il a accueilli 25 projets dans les domaines de l’édition numérique et de la création de contenus enrichis. Il propose également un programme d’ateliers et de formations autour de tous les aspects du livre numérique.
A mentionner également, parmi les actions menées, l’exonération depuis 2010 de la cotisation foncière pour les librairies labellisées Lir (librairie indépendante de référence) et l’aide (essentiellement sous la forme de subventions de fonctionnement) aux projets portés par des associations et destinés à fédérer les professionnels, qui à Paris ont longtemps eu du mal à s’unir : créée en 2012, l’association Paris Librairies regroupe ainsi une cinquantaine d’enseignes et joue la carte de la proximité ; Librest, réseau de 9 librairies de l’est parisien, organise notamment le festival Esprits libres, tandis que Fontaine O livres se consacre au développement et à la promotion des professionnels indépendants de la chaîne du livre. Du côté des manifestations littéraires, le festival Paris en toutes lettres, créé en 2009 mais suspendu après seulement trois éditions, a ressuscité en novembre dernier à la Maison de la poésie, incarnant la nouvelle orientation (assez controversée dans un premier temps) impulsée par son nouveau directeur, Olivier Chaudenson, arrivé aux commandes en février 2013, qui souhaite faire dialoguer la poésie avec les autres genres artistiques.
Les bibliothèques se mettent à niveau.
Longtemps à la traîne des autres grandes villes de France, que ce soit pour leur bâtiment ou leurs services, les bibliothèques municipales parisiennes ont fait au cours des dernières années des efforts considérables pour se hisser à un niveau de qualité conforme à ce qu’on est en droit d’attendre du réseau de lecture publique d’une grande capitale occidentale. Comme pour les autres acteurs du livre, les contraintes foncières (coût et manque de surfaces disponibles) constituent l’un des principaux freins au développement, auquel s’ajoute la taille du réseau, le plus grand en France avec en tout 75 bibliothèques. Malgré ces contraintes, 6 nouveaux établissements ont vu le jour depuis 2008, dont certains de grande taille, comme la médiathèque Marguerite-Yourcenar ouverte en 2008 (2 950 m2), ou encore la médiathèque Marguerite-Duras (4 200 m2), inaugurée en juin 2010. De taille plus modeste, les plus récentes (la médiathèque Louise-Michel, 450 m2, ouverte en 2011, et la médiathèque Vaclav-Havel, 1 000 m2, inaugurée en 2013) jouent la carte de la convivialité et ciblent le public familial et jeune, avec une offre centrée sur le loisir, riche en BD, DVD et jeux vidéo. Parallèlement, 36 bibliothèques ont bénéficié de rénovations ou de restructuration depuis 2001. "Nous ne voulons pas d’un réseau à deux vitesses, explique Marie-Noëlle Villedieu, chef du bureau des bibliothèques et de la lecture de la Ville de Paris. Dans les rénovations comme dans les créations, nous prenons en compte les nouvelles pratiques des usagers en proposant plus de places assises, des espaces d’animation et de convivialité, une présence plus forte du numérique." Depuis février, les bibliothèques s’équipent tour à tour de liseuses. D’ici au mois de mai, plus de 1 000 seront disponibles au prêt dans les mêmes conditions que les livres, avec une offre présélectionnée de 1 300 titres. A partir de juin, ce sont 250 iPad qui arriveront dans les sections jeunesse en utilisation sur place.Les bibliothèques ont également développé une forte présence sur les réseaux sociaux : 35 établissements ont des pages Facebook, 56 envoient des newsletters, plusieurs ont ouvert des blogs. "C’est un service de plus en plus apprécié des usagers, note Marie-Noëlle Villedieu. Nous sentons une demande forte pour des conseils et un accompagnement personnalisé auxquels se prêtent bien les réseaux sociaux." Tout n’est pas parfait pour autant : représentants des syndicats et usagers déplorent régulièrement que ce développement se fasse au détriment des petits établissements qui n’ont pas encore été rénovés et qui manquent de moyens, en particulier humains, avec des conséquences fâcheuses sur les horaires d’ouverture. Véronique Heurtematte
(1) Semaest : société d’économie mixte de la Ville de Paris, spécialisée dans l’animation économique des quartiers.