Avec Une île, Véronique Bizot rejoint la nouvelle collection "Essences" chez Actes Sud, consacrée à l’évocation de parfums et autres fragrances. Avouera t-on que le lecteur familier de la douce fantaisie de l’auteure de Mon couronnement ou Un avenir (Actes Sud, 2010 et 2011) se montrait perplexe devant le caractère normatif que pouvait revêtir cet exercice imposé pour une virtuose des figures libres ?… Pourtant, ces préventions tombent à la lecture de ce bijou d’élégance et d’ironie mêlées.
Soit donc, une île, posée sur une mer qui pourrait être la Méditerranée, quelques amis, des soirs d’été et plus de temps qu’il n’est possible d’en perdre. Suivant l’heure ou l’humeur, on s’aime, on s’exaspère. On rêve un peu, par exemple de celui que ces estivants nonchalants appellent "l’homme de l’île", beau comme le désir, dont nul ne sait rien et duquel on peut tout attendre… Et à mi-distance des névroses des uns et des langueurs des autres, il y a la narratrice à qui une éditrice a commandé un texte sur les parfums.
Nous y voilà. Véronique Bizot s’acquitte de cette tâche avec la minutie de ceux qui savent que rien ne doit être tenu pour acquis, ni le réel qui tremble, ni les parfums qui s’évanouissent. Son récit, où les silhouettes se meuvent à peine, est comme exécuté en un seul jet gracieux, à la pointe sèche et au fusain. Quant aux essences, aux parfums, s’ils sont si présents, c’est d’abord pour cacher que ce petit livre n’est tissé que d’absences. L’odeur, profonde, presque chavirante, qui se dégage de ces pages est d’abord celle de la solitude.
Olivier Mony