Si les progrès sont incontestables, beaucoup reste à faire. Une enquête menée en septembre 2014 par Couperin révèle que le nombre d’archives ouvertes progresse en France mais que ces dernières présentent une grande disparité. 73% ont recours à Hal, le portail géré par le CNRS, qui confirme son rôle de grande plateforme nationale pour les archives ouvertes. 37% des établissements ayant répondu laissent libre choix aux chercheurs de déposer ou non leurs publications, 44% pratiquent l’incitation et 13% seulement en ont fait une obligation. La proportion de textes intégraux dans les dépôts est très variable d’un établissement à l’autre, seule une toute petite minorité disposant de la quasi-totalité des articles en texte intégral.
Des expériences à suivre
L’Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique) est l'un des rares établissements en France à avoir opté pour une obligation de dépôt, à partir de 2011. La plateforme Hal-Inria, qui dispose aujourd'hui de 67% des articles en texte intégral, offre aux chercheurs un certain nombre de services et de fonctionnalités. "Pour que l'obligation fonctionne, il faut que les chercheurs en tirent un bénéfice avec un outil qui leur soit utile", souligne François Sillion, directeur général délégué à la science de l'Inria.
Le site universitaire alsacien, qui regroupe l'université de Strasbourg, l'université de Haute-Alsace, la Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg et l'Insa (Institut national des sciences appliquées) a élaboré son propre projet d'Archives ouvertes de la connaissance, basé sur plusieurs grands objectifs: donner une visibilité à l'échelle du site, conserver la production intellectuelle des établissements, se doter d'un outil servant de bibliographie officielle, articuler la politique des archives ouvertes avec celle des presses universitaires de Strasbourg. "Nous avons adopté une démarche pragmatique, élaborée en concertation avec les chercheurs et les unités de recherche, explique Mathieu Schneider, vice-président Sciences et société à l'Université de Strasbourg. Nous voulions un outil avec des procédures simples et automatisées".
Comme à l'université de Liège en Belgique, souvent citée en exemple, les évaluations, l'attribution de subventions seront basées uniquement sur les articles des chercheurs déposés dans les archives ouvertes. Bernard Rentier, recteur honoraire de l'université de Liège, a souligné lors de son intervention l'impact des archives ouvertes sur la visibilité des travaux des chercheurs. "Les articles accessibles librement sont consultés 18 fois plus que ceux soumis à une autorisation préalable, et sont cités deux fois plus que lorsqu'ils sont disponibles uniquement dans les grands répertoires internationaux", a relevé Bernard Rentier.
Un modèle économique qui reste à trouver
Le modèle économique reste le point noir dans la constitution d'archives ouverte de la science. Le principe du "Gold Open Access", dans lequel les articles sont consultables gratuitement par les lecteurs, mais qui donnent lieu au paiement à l'éditeur de frais de publication déboursés par le chercheur auteur de l'article, ou le plus souvent, son établissement, a été largement écorné tout au long des journées. Une enquête menée au Royaume-Uni, où les établissements d'enseignement supérieur se sont massivement engouffrés dans le Gold Open Access, a apporté de l'eau au moulin des détracteurs. "Le choix du Gold a indiscutablement conduit à une forte augmentation des archives ouvertes, mais à quel prix?, a interrogé Stephen Pinfield de l'université de Sheffield, lors de sa présentation. Les frais de publication s'ajoutent aux coûts des abonnements aux bouquets de revues mais ne s'y substituent pas". Conséquence: des dépenses exponentielles pour les universités, qui sont nombreuses aujourd'hui à faire machine arrière en ce qui concerne les "Article Processing Charges".
Self Journal Science, présenté par son fondateur, Michaël Bon, constitue une voie alternative. Il s'agit non d'une revue mais d'une plateforme non commerciale qui permet aux chercheurs de publier leurs articles et d'échanger avec la communauté scientifique, chaque participant ayant la possibilité de faire des commentaires sur les articles de ses pairs. "C'est un processus collectif, un retour au fonctionnement communautaire propre à la recherche scientifique, a revendiqué Michaël Bon. Ici, la valeur d'un article vient de la reconnaissance qu'il suscite de la part des chercheurs".