La ministre de l'Education nationale Najat Vallaud-Belkacem a fait part de son "
étonnement" à Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuelle de l'Académie française, qui,
samedi dans Le Figaro, a pris ses distances avec une réforme de l'orthographe actée en 1990 et en passe d'être généralisée dans des manuels scolaires.
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C'est avec intérêt mais également avec un certain étonnement que j'ai pris connaissance de votre réaction publique aux nouveaux programmes de la scolarité obligatoire, publiés le 26 novembre 2015 – vous critiquez notamment la référence, pourtant identique à celle de 2008, aux rectifications de l'orthographe proposées par le Conseil supérieur de la langue française", écrit la ministre dans un courrier daté de lundi et rendu public mardi.
Des rectifications intégrées dans le dictionnaire de l'Académie française
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Etonnement renforcé par le fait que ces rectifications sont intégrées dans la neuvième édition du dictionnaire de l'Académie française et que l'Académie, pourtant contactée par le Conseil supérieur des programmes cet été, n'a pas fait de remarque quant à la présence de cette référence", ajoute-t-elle.
Dans une interview publiée samedi par
Le Figaro, Hélène Carrère d'Encausse affirme n'avoir "
pas compris les raisons qui expliquent l'exhumation d'une réforme de l'orthographe élaborée il y a un quart de siècle et où l'Académie française n'a eu aucune part, à l'inverse de ce qu'on l'on a voulu faire croire".
Largement méconnue, la réforme adoptée en 1990 prévoit la simplification de l'orthographe de certains mots et allège l'usage des traits d'union et des accents circonflexes. Sa généralisation dans les manuels scolaires du primaire suscite une vive polémique . "
TF1 en a fait un reportage, mais c’est un non-sujet : il n’y a aucune consigne du ministère, aucune discussion avec le Conseil supérieur des programmes, aucun échange entre éditeurs scolaires à ce propos", a
indiqué Sylvie Marcé à Livres Hebdo, en tant que P-DG de Belin et non pas comme présidente du groupe enseignement du SNE.
Un rapport approuvé à l'unanimité par l'Académie française
Or selon Najat Vallaud-Belkacem, le secrétaire perpétuel de l'époque, Maurice Druon, avait affirmé en 1990 que le rapport du Conseil supérieur de la langue française sur les rectifications de l'orthographe "
avait été approuvé à l'unanimité par l'Académie". Et la publication, en 2008, des programmes de l'enseignement de français au collège faisant référence à ces "
rectifications de l'orthographe", "
approuvées par l'Académie française", "
n'a pas suscité, à ma connaissance, de démenti de la part de l'Académie", insiste la ministre.
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Eu égard à la mission de défense et d'illustration de la langue française assignée à l’Académie, je vous serais reconnaissante de bien vouloir me faire part de toute évolution de la position de votre institution quant aux rectifications orthographiques, afin que les acteurs concernés puissent en tenir compte à l'avenir", demande-t-elle.
"Une situation radicalement différente"
Hélène Carrère d'Encausse a précisé dans
Le Figaro qu'en ce qui concerne la réforme de 1990, l'Académie s'était prononcée sur des "
principes généraux - un nombre limité de rectifications d'incohérences ou d'anomalies graphiques - mais non sur le projet lui-même dont le texte était en cours d'élaboration". L'Académie a par la suite "
marqué son désaccord" avec le texte, a-t-elle affirmé. Elle a communiqué ce mardi 16 février sa position officielle avec
une déclaration publiée sur son site.
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En 2016, nous sommes devant une situation radicalement différente" avec un système éducatif qui "
s'est écroulé" au point "
qu'un élève sur cinq quitte l'école [primaire, ndlr]
sans savoir lire" ajoute l'académicienne au
Figaro,
citant une communication de l'académicienne Danièle Salenave. "
La position de l'Académie n'a jamais varié sur ce point : une opposition à toute réforme de l'orthographe mais un accord conditionnel sur un nombre réduit de simplifications qui ne soient pas imposées par voie autoritaire et qui soient soumises à l'épreuve du temps", souligne Mme Carrère d'Encausse qui rappelle que la langue "
est une part essentielle de notre identité".