Couleur plein pot d'un côté avec titre, sous-titre, auteur ; de l'autre une illustration très graphique qui prend toute la hauteur de l'ouvrage... Les couvertures des premiers livres d'Université Paris Cité éditions (UPC éditions) nous feraient presque douter que les deux titres qui inaugurent la collection « Démêlés » sortent de presses universitaires. Rien à voir avec l'austère graphisme des publications académiques reflétant l'esprit de sérieux qui préside souvent à ce genre d'édition institutionnelle.

Lire aussi : Rentrée universitaire : des nouvelles formes au grand public
« Quand on a commencé à réfléchir à l'identité graphique de cette première collection, raconte Anne Lecomte, responsable éditoriale d'UPC éditions, on avait une certitude : on voulait un objet accessible, portable, et attrayant pour le public. Il nous tenait aussi à cœur que ce travail s'inscrive dans une démarche artisanale et éthique. Les grands catalogues standardisés comme Google Fonts ou Adobe Fonts ont été volontairement écartés, parce que ça allait à l'encontre de l'esprit de la collection et de la maison. Notre choix s'est porté sur des typographies conçues par des dessinateurs de caractères indépendants, en France - en l'occurrence les fonderies Pizza Typefaces, avec les polices Sans Plomb, Ginka ; et Lift Type avec Dozza ». La forme n'empêchant pas le fond, au contraire ! Ce qui anime UPC éditions, c'est la mission de service public avec l'idée que le savoir soit partagé parmi un lectorat le plus large possible.
Diffusion-distribution par Harmonia Mundi
La directrice d'Université Paris Cité éditions Valérie Robin Azevedo, professeure d'anthropologie à l'université Paris Cité, n'est pas peu fière d'être diffusée et distribuée par Harmonia Mundi. Et de marteler le credo de ces presses universitaires à l'ambition généraliste : « Le fruit de la recherche est trop souvent confiné aux laboratoires, il s'agit ici d'éclairer le grand public et de s'ouvrir à lui à travers un langage clair. Nos presses doivent participer à la diffusion d'un savoir de chercheurs et d'enseignants-chercheurs. Nous traiterons ainsi des grands sujets de société qui concernent tous les citoyens et citoyennes. L'urgence naît du contexte actuel où les fake news et le complotisme vont bon train, cela nous oblige d'autant à donner une parole scientifiquement valable et validée par la communauté scientifique. »
Doucement mais savamment
En cet automne, deux collections voient le jour : « Démêlés », qu'Aurélia Michel, également historienne à l'université Paris Cité, dirige avec Valérie Robin Azevedo et « Longue vue » « une collection de beaux livres mais dans un format court et à un prix accessible, autour de 20 euros », avec au timon toujours Valérie Robin Azevedo mais codirigée par Agathe Sanjuan, conservatrice et directrice du pôle patrimoine d'UPC, ainsi que l'historien de la photographie Daniel Foliard.
Le premier titre de « Longue vue », Étienne-Jules Marey, démiurge des sciences et des arts, qui sort en novembre, donnera le la de cette collection destinée aussi bien aux amateurs de beaux-arts ou d'histoire de la photographie qu'aux férus de sciences, grâce à une approche à la fois visuelle et par un ton de vulgarisation de bonne tenue.
Charte graphique attractive
Faire bien plutôt que trop. « Pour donner toutes leurs chances à nos livres, nous ne désirons surtout pas accroître la production éditoriale générale. Le rythme de croisière sera de cinq à sept ouvrages par an. »
Dans la collection « Démêlés », avec cette charte graphique attractive décrite plus haut et un prix entre 12 et 16 euros ont paru deux titres le 12 septembre. Premières classes, écrit par un collectif de sociologues porte sur la reproduction sociale observée dès la petite enfance, à ces âges où, entre la maternelle et la famille, se mettent déjà en place tous les mécanismes de cette reproduction.
Suprémaciste. Anatomie d'un parcours d'ultradroite d'Elyamine Settoul traite quant à lui la question de manière narrative. Original et, encore une fois, peu attendu dans les cercles académiques. « Elyamine Settoul est au départ un spécialiste de la radicalisation djihadiste, explique Aurélia Michel. Il a rencontré un détenu qui était en prison pour avoir fomenté un attentat terroriste massif visant des mosquées, des personnes qu'il avait identifiées comme islamo-gauchistes. À travers des entretiens, c'est tout le parcours du terroriste interpellé qu'on retrace, de son enfance et de son adolescence bousculées au passage à la violence. Ce qui est intéressant ici, c'est que l'auteur va aborder son sujet avec les outils qu'il a déjà utilisés avec le djihadisme. »
Pourrait-on les accuser d'avoir un biais militant ? Valérie Robin Azevedo s'en défend : « Sauf à penser que le militantisme est de vouloir que les savoirs universitaires puissent se diffuser massivement et de manière accessible. » Militantes non, mais engagées, oui ! Les presses universitaires que sont Université Paris Cité éditions, jalouses de leur mission de service public, entendent bien publier « sans avoir à subir de contraintes commerciales ou de pressions capitalistiques ».