Livres Hebdo : Adolescente, vous étiez une des actrices les plus prometteuses d’Hollywood...
Molly Ringwald : Dans les années 80, j’ai tourné plusieurs films pour ados signés John Hughes : Rose bonbon, Seize bougies pour Sam et Breakfast Club, qui est le plus intéressant des trois. Ce film est parvenu à transcender le genre du « teenage movie », et touche toujours les jeunes parce qu’il n’y a pas beaucoup de bons films à propos de cette étape de la vie. Ensuite, j’ai refusé Ghost et Demi Moore a été choisie, puis Pretty Woman et c’est Julia Roberts qui a eu le rôle. Mais j’étais un peu snob, je n’avais que 20 ans et du temps devant moi, et ce n’est pas ce qui m’intéressait à ce moment-là. Je voulais habiter en France, essayer des choses différentes, jouer dans une autre langue.
La réalisatrice française Tonie Marshall, avec laquelle vous avez tourné Enfants de salaud en 1996, expliquait que vous lui aviez affirmé que vous pouviez apprendre le français en trois mois.
En fait, je le parlais déjà un petit peu. J’avais été au lycée français de Los Angeles, mais je n’étais pas très bonne élève. Et puis j’habitais à Paris avec un Français, je me débrouillais. Ça a d’ailleurs été mon seul film en français. Finalement, c’était tellement difficile de jouer dans une autre langue que la sienne. Je me retrouvais comme une enfant.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ?
J’ai écrit toute ma vie, mais être publiée me semblait inenvisageable. Je n’osais pas. Une actrice qui sort un livre, on pense immédiatement que ce qu’elle fait est nul et qu’elle ne doit sa publication qu’à sa notoriété. Mon premier livre, Getting the Pretty Back. Friendship, Family, and Finding the Perfect Lipstick (HarpersCollins, 2010, non traduit) était très léger, parce que j’avais l’impression que ce serait plus acceptable.
Mais du coup, même s’il y avait des choses intéressantes dedans, il n’était pas très représentatif de ce que je suis. Après, j’ai écrit un roman, ou plutôt une suite de nouvelles liées entre elles. When It Happens to You (HarperCollins, 2012, non traduit) est un livre plus proche de ce que je veux écrire. Ensuite, j’ai travaillé régulièrement pour le New Yorker. Et j’ai traduit pour eux les bonnes feuilles du livre de Vanessa Schneider, Tu t’appelais Maria Schneider (Grasset, 2018).
« Traduire, cela prend beaucoup de temps, et ne rapporte pas beaucoup d'argent »
C’est donc là que vous êtes devenue traductrice ?
Parallèlement, une rédactrice en chef qui m'avait fait écrire dans le Vogue USA est devenue éditrice et m’a proposé de traduire « Arrête avec tes mensonges » de Philippe Besson (Julliard, 2017). Cela prend beaucoup de temps et ne rapporte pas beaucoup d’argent… mais il y a quelque chose qui m’intrigue là-dedans : traduire, c’est comprendre.
C’est comme un jeu, on cherche une clé. Quand j’écris, je peux travailler deux ou trois heures. Alors que quand je traduis, ça peut être huit ou dix heures de suite. De plus, Scribner m’a proposé de traduire le livre de Vanessa en plein Covid, et j’ai donc accepté. Maria Schneider m’a toujours intriguée. Sans doute parce qu’elle a été connue très jeune, mais aussi parce que j’ai rencontré beaucoup de gens qui ont travaillé avec elle. Et j’aimais beaucoup le regard que sa petite cousine, qui l’avait idéalisée, portait sur elle.
Aujourd’hui, vous jouez la mère dans de nombreux programmes pour ados comme Riverdale, ou The Kissing Booth, diffusés sur Netflix…
Ça me colle à la peau. On m’envoie des teenage movies comme si je pouvais donner mon imprimatur… Même si j’ai des enfants ados, ça ne m’intéresse pas beaucoup. Pour moi, il y a d’autres choses qui comptent, comme être là, à Paris.
My Cousin Maria Schneider. A memoir, Vanessa Schneider, traduit par Molly Ringwald (Scribner, 2023)