En France, près d'une œuvre cinématographique ou audiovisuelle sur cinq est adaptée d'une œuvre littéraire : tel est le premier enseignement d'une étude dévoilée lundi 26 juin. Orchestrée par le CNL, en partenariat avec la Scelf et le CNC, elle a été conçue par le cabinet BearingPoint, s'intéresse à un panel de 29 000 œuvres audiovisuelles sorties entre 2015 et 2021, et fait état d’un marché en pleine expansion. Au total, plus de 1 400 adaptations de livres en film, série ou téléfilm on été recensées sur la période en France, premier marché d'Europe de l'adaptation littéraire en termes de volume.
Et le nombre d'adaptations a tendance à croître, grâce aux séries et téléfilms. « Les adaptations cinématographiques et audiovisuelles de livres ont évolué ces dernières années, avec un poids croissant de l'audiovisuel », a constaté la présidente du CNL, Régine Hatchondo. « Les adaptations sont une manne qui pourraient bien irriguer le marché », a-t-elle poursuivi.
Ainsi, alors qu'en 2015 le cinéma représentait 54 % des adaptations de livres, en 2021, cette part avait chuté à 26 %. Dans le même temps, celle des téléfilms est passée de 27 % à 42 % et celle des séries, de 20 % à 32 %.
Un genre populaire
L’étude remarque aussi que les adaptations littéraires génèrent en moyenne plus d’entrées, à hauteur de 33 % par rapport à un film classique. On constate leur présence parmi les films dépassant le million de spectateurs, et elles constituent 37 % des nommés à l’oscar du meilleur film. Dans le sens inverse, l’attribution de grands prix littéraires peut favoriser la prise d’option : c’est le cas du Goncourt (sur vingt romans lauréats ces dernières année, six ont été portés à l’écran) et du Booker Prize.
Si la notoriété d’un livre peut avoir des retombées positives sur la sortie d’un film s’en inspirant, une adaptation à succès peut aussi booster les ventes d’un ouvrage. L’hypothèse s’est vérifiée en début d’année avec la sortie des Trois Mousquetaires. D’Artagnan, qui a engendré une recrudescence des ventes de l’œuvre d’Alexandre Dumas. En 2017, Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre (Albin Michel, 2013) connaissait un destin similaire avec l’adaptation d’Albert Dupontel : elle avait généré un rebond des ventes du livre de 186 % sur les douze mois suivants. Toujours d’après le CNL, deux tiers des œuvres adaptées ont vu leurs ventes augmenter, et 65 % des adaptations sont tirées d’œuvres sorties après 2001. La nécessité d’acquérir les droits n’est donc pas un frein pour les producteurs.
L’exception française
Avec 1 411 adaptations littéraires sorties entre 2015 et 2021, la France s’impose donc comme le premier pays de production de films tirés de livres en Europe. À titre d’exemple, elle se place juste après les États-Unis, qui en comptent 1 493. Une des spécificités du marché français est la prédominance de l’animation, recensée à hauteur de 27 % dans le champ des productions. Une particularité à rapprocher du succès de la littérature jeunesse, qui constitue 13 % des adaptations. À l’étranger, 22 % des films français du top export Unifrance viennent de la littérature.
Le CNL désigne également plusieurs auteurs phares : George Simenon, resté constant à travers les âges, Pierre Lemaitre, Tatiana de Rosnay et Michel Bussi.
À l’occasion des dix ans de Shoot the book ! en mai 2023, Nathalie Piaskowski, directrice générale de la Scelf, annonçait la création d’une base de données mettant en lien éditeurs et producteurs. « En dix ans, 850 producteurs sont venus à la Scelf, mais ça ne fait que commencer », indique Philippe Robinet, président du conseil d’administration de la Scelf. Alors qu’une hausse du volume d’options est observée par les éditeurs, les maisons structurent leur offre en créant des pôles consacrés au sujet, envisagé dès la prépublication d’un livre.
Le potentiel du marché de l’adaptation fait aussi déboucher sur d’autres enjeux : le manque de traductions permettant aux producteurs de découvrir des ouvrages, les délais de contractualisation jugés un peu longs et les difficultés des structures éditoriales réduites pour développer leurs propres adaptations. De nouveaux chantiers pour la filière !