Qui l’aura ?Petit pays du rappeur Gaël Faye. Cela ferait un Goncourt élégant dont l’un des mérites est aussi documentaire : le petit pays dont il est question, c’est le Burundi, voisin du Rwanda, à feu et à sang. Il vient de se retirer de la Cour pénale internationale pour échapper à ses crimes commis chaque nuit dans les rues de Bujumbura. Avec Gaël Faye, les Goncourt pourraient ouvrir la voie à un doublé, car il est aussi favori du Goncourt des Lycéens.

Qui devrait l’avoir ? Du point de vue de la littérature et du style, le génial provocateur Jean-Baptiste Del Amo pour son Règne animal (Gallimard) : il s’agit de vie, de biologie, de matière sale et grouillante quand l’homme est un porc pour l’homme dans une débauche jubilatoire d’énergie, une puissance d’évocation, un style époustouflant qui emporte son lecteur et magnifie le pouvoir des mots. C’est trop fort en goût sans doute pour les Goncourt policés.

Qui l’aura ? Après l’éviction de Jean-Paul Dubois (L’Olivier), Catherine Cusset fait sans doute figure de favorite : casaque Gallimard, une œuvre à la fois littéraire et populaire, déjà récompensée par le prix Goncourt des Lycéens, et un roman en forme d’oraison funèbre qui saura toucher un large public.

Qui devrait l’avoir ? Dans une "finale" très ouverte, les jurés pourraient consacrer Chanson douce de Leïla Slimani. Le roman connaît déjà un succès aussi inattendu que mérité. Mais décerner le Goncourt à une auteure si jeune, pour un conte cruel proche du thriller, serait un geste doublement audacieux.

Qui l’aura ? Régis Jauffret. On le lui souhaite, parce qu’il a une œuvre considérable. Dommage que son dernier livre soit si amer à digérer.

Qui devrait l’avoir ? Céline Minard. Avec Le grand jeu (Rivages), elle a écrit le plus étourdissant roman de la rentrée littéraire, dense, surprenant, poétique, exigeant. Une quête de soi, qui est avant tout une riche confrontation à l’autre.

Qui l’aura ? Leïla Slimani, car son deuxième roman confirme les espoirs placés en elle après Dans le jardin de l’ogre (Gallimard).

Qui devrait l’avoir ? Leïla Slimani, parce que Gallimard n’a plus eu le Goncourt depuis cinq ans, et qu’au regard de sa production cela ressemble à une injustice.

Qui l’aura ? Je l’ignore.

Qui devrait l’avoir ? Par son intensité, sa vraie beauté, le livre de Catherine Cusset me semble dominer assez naturellement ce séduisant quatuor final. J’aime beaucoup, d’habitude, le travail de l’autre auteur confirmé de la sélection, Régis Jauffret, mais en l’occurrence, ce livre-ci me paraît moins réussi. Je choisis L’autre qu’on adorait, sans hésiter.

Qui l’aura ? Leïla Slimani pourrait remporter la partie. Son roman coche toutes les cases, l’éditeur Gallimard, le succès public, l’efficacité de l’intrigue, pour être admis en classe supérieure.

Qui devrait l’avoir ? Faut-il couronner un roman ou une œuvre ? Catherine Cusset a déjà une œuvre. Elle ne cesse de semer le désordre et la discorde avec ses mots pour nous aider à penser en dehors du social. L’autre qu’on adorait est son plus beau livre.

Qui l’aura ? Catherine Cusset peut l’emporter cette année. L’autre qu’on adorait est un roman brillant nourri de lectures proustiennes, d’allers et retours avec les Etats-Unis. C’est l’histoire d’un suicide, mais ce n’est pas sinistre. Gallimard n’a pas eu le prix depuis 2011, c’est un argument décisif.

Qui devrait l’avoir ? Le jeune Gaël Faye est le chouchou des critiques, Petit pays a été récompensé par le prix du Roman Fnac, et se vend comme des petits pains. L’auteur est intéressant, charmant, son premier livre excellent, ouvert à d’autres vies que la nôtre. Grasset n’a pas eu le prix depuis 2005, c’est un argument supplémentaire.

Qui l’aura ? Gaël Faye. Il signe son premier roman, ce serait un retour au testament des Goncourt qui souhaitaient encourager un jeune talent.

Qui devrait l’avoir ? Catherine Cusset. L’autre qu’on adorait, évocation très réussie d’un homme qui passe à côté de sa vie, tombeau poétique dont la forme épouse le destin tragique de son ami disparu, est infiniment littéraire.

Qui l’aura ? Leïla Slimani. Son livre bien construit, malin, grand public, aborde de nombreux thèmes dont, en filigrane, les rapports de domination.

Qui devrait l’avoir ? Laurent Mauvignier méritait le Goncourt. Continuer (Minuit) est un superbe portrait de femme, un livre intelligent sur les rapports mère-fils, qui évoque des thèmes actuels sans être complètement dans le présent.

Qui l’aura ? Leïla Slimani, parce qu’elle est la jeune auteure la plus intéressante de la rentrée, et qu’avec Chanson douce elle signe un deuxième roman bien d’aujourd’hui, où elle excelle à sonder la monstruosité de l’âme et les préjugés de classes sociales plus que jamais à l’œuvre dans notre société.

Qui devrait l’avoir ? Leïla Slimani. Avant tout pour ses qualités littéraires. Ensuite, car ce serait un symbole fort, salutaire, que de donner ce prix à une jeune intellectuelle à la double nationalité, française et marocaine. Cela permettrait d’affirmer, en nos temps troublés, les vraies valeurs de la France.

Qui l’aura ? Leïla Slimani. Il me semble écrit que le Goncourt ira cette année à Gallimard et l’auteure offre un profil idéal : femme, jeune, talentueuse, médiatique. Avec son allure de thriller et sa profondeur sociologique et psychologique très contemporaine, Chanson douce a tout pour faire un Goncourt littérairement respectable et commercialement efficace.

Qui devrait l’avoir ? Les choix des Goncourt me désarçonnent cette année. Ils avaient la double occasion de récompenser deux de nos meilleurs écrivains, Jean-Paul Dubois et Laurent Mauvignier, à la fois pour leur excellent dernier roman et pour l’ensemble de leur œuvre. C’est raté, c’est bien dommage !

Qui l’aura ? Catherine Cusset, puisque Jean-Paul Dubois a été absurdement écarté. Avec L’autre qu’on adorait, elle aussi pose avec talent la question du suicide, celui d’un ami, dans un minutieux roman qui nous entraîne sur les campus américains. Et puis le Goncourt n’a récompensé que quatre romancières en vingt ans.

Qui devrait l’avoir ? Régis Jauffret, pour l’ensemble de son œuvre. Mais Leïla Slimani ferait une très belle lauréate. Sa Chanson douce, qui a la noirceur tranchante d’un roman de Simenon, analyse impeccablement la condition de la nourrice, cette domestique du XXIe siècle.

Qui l’aura ? Leïla Slimani pour la dramaturgie fort maîtrisée de son deuxième roman. Sur un sujet délicat et effrayant, elle confirme le talent et l’originalité apparus il y a deux ans avec Dans le jardin de l’ogre. Elle possède deux autres atouts non négligeables : c’est une femme et elle est publiée par Gallimard, qui n’a pas décroché le gros lot depuis cinq ans.

Qui devrait l’avoir ? Nathacha Appanah, pour les mêmes raisons ou presque. Femme, publiée par Gallimard, journaliste mauricienne… De livre en livre, cette délicate et discrète romancière nous ouvre les portes de l’enfance et de l’ailleurs, de l’île Maurice à Mayotte, pour le dernier, Tropique de la violence. Du bel ouvrage, encore injustement méconnu. Et si c’était un homme, Laurent Mauvignier et son superbe portrait de mère en prise avec son adolescent dans Continuer.

Qui l’aura ? Comme c’est le seul roman que je n’ai pas pu finir, je pense que L’autre qu’on adorait de Catherine Cusset a toutes ses chances. Elle l’emportera d’un boyau sur l’effervescence cinglante de Leïla Slimani, sous la même casaque, ex aequo avec le styliste flamboyant Régis Jauffret.

Qui devrait l’avoir ? J’aurais aimé que ce soit, enfin, l’année Jean-Paul Dubois. Il y a une œuvre derrière, qui mélange la belle écriture, une mélancolie qui va bien à l’époque et mérite d’être récompensée ; son auteur rencontre un bel écho auprès du public, parle aussi bien aux femmes qu’aux hommes ; et surtout c’est un très beau livre !

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