Pavane pour une infante défunte. Ce matin-là, sa mère est morte. Elle était partie depuis longtemps déjà sur les chemins de la maladie, où son fils tentait comme il le pouvait de l'accompagner. Mais voilà, cette fois-ci, le 2 janvier 2023, Catherine David s'est définitivement absentée. Comme Raphaël Enthoven est écrivain, comme l'un de ses précédents ouvrages, Le temps gagné (L'Observatoire, 2020), a prouvé qu'il s'y entendait à merveille pour démêler sur la page les nœuds de l'intime et des secrets de famille, voici donc le livre de cette perte qui ne fut progressive que par les aléas de la maladie et du chagrin.

Perdre une mère, c'est parfois être condamné à ne plus entendre la musique. Et même si l'on se souvient surtout de l'écrivaine et de la remarquable journaliste qu'était Catherine David, c'est pourtant à son piano qu'elle fut toujours au plus près de sa vérité. Un allegro fortissimo qui convenait à celle dont le fils dit que les passions fondamentales furent « la joie d'un côté, la nostalgie de l'autre » et qu'en son cœur se trouvaient « l'été musical quoi qu'il arrive, et l'hiver dans l'existence. Un bonheur invincible et une tristesse déraisonnable ». Tout au long de ces pages, Raphaël Enthoven se tient à juste distance d'une émotion qui ne serait pas nécessairement bonne conseillère. Le portrait qu'il fait de sa mère la montre telle qu'en elle-même, en mouvement, excessive parfois, drôle souvent, bouleversante toujours. Une héroïne de Tchekhov dans le Paris d'hier et d'aujourd'hui.