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Les licences nationales : un dispositif efficace mais qui doit évoluer

Les licences nationales : un dispositif efficace mais qui doit évoluer

L’inspection générale des bibliothèques vient de publier la première étude d’évaluation consacrée aux licences nationales mises en place à partir de 2012 pour l’acquisition de ressources documentaires dans le domaine scientifique et technique.

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Par Véronique Heurtematte
Créé le 03.10.2018 à 19h00

Pour la première fois depuis leur mise en place, à partir de 2012, les licences nationales d’acquisition de ressources documentaires dans le domaine scientifique et technique font l’objet d’une grande évaluation, menée par l’Inspection générale des bibliothèques. Dans son rapport intitulé Première étude d’impact de la politique des licences nationales, publié le 25 septembre dernier, Carole Letrouit, inspectrice générale des bibliothèques, revient de manière détaillée sur le contexte politique, juridique, technologique de la mise en œuvre de ces licences. Elle analyse les données d’utilisation de ces ressources et formule plusieurs scénarios ainsi qu’une série de recommandations pour l’avenir de ce dispositif.

Rappel historique
 
L’idée de mutualiser les achats de ressources documentaires scientifiques numériques naît dès les années 1990, avec la création en 1999 du consortium pour l’accès aux ressources numériques (Couperin), mandaté par les universités, et par le biais de l’Institut de l’information scientifique et technique (Inist), chargé en 2003 par le CNRS de souscrire des abonnements collectifs.

Le principe des licences nationales pour les ressources documentaires en France naît quelques années plus tard, en 2008 et se concrétise en 2012 avec le projet Istex, financé dans le cadre du Programme d’investissement d’avenir, et dont l’originalité est d’offrir à la fois une plateforme de ressources documentaires et des services aux chercheurs. L’un des principaux objectifs de cette initiative était de mutualiser les achats des ressources numériques des grands groupes d’édition scientifique et technique internationaux afin d’en réduire les coûts, en augmentation constante. L’autre enjeu, plus globalement, était de créer un socle documentaire numérique pérenne et commun pour l’ensemble des chercheurs afin de combler les inégalités territoriales et institutionnelles en matière d’accès aux ressources documentaires, identifiées comme un frein à la recherche française.
 
Alors que les ressources numériques achetées dans le cadre d’Istex portent uniquement sur des collections rétrospectives, la politique des licences nationales s’étend pour la première fois en 2013 à une collection courante, les 2200 revues de la Complete Freedom Collection d’Elsevier, négociée pour un montant de 174,5 millions d’euros pour 5 ans. Assez controversé au moment de sa signature, ce contrat, porté par l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (Abes) avait pour objectif de centraliser la négociation à l’échelle nationale, d’obtenir des conditions tarifaires plus favorables que lors des négociations effectuées par chaque établissement, de changer de modèle économique, et d'acquérir le droit de charger les articles sur une plateforme nationale.
 
Plus récemment, trois groupements de commande nationaux ont été passés avec Cairn, EDP Sciences et OpenEdition, avec l’objectif de soutenir l’édition scientifique française et d’accélérer le passage à l’accès ouverte.
 
21 millions de documents sur Istex

En mars 2018, la plateforme Istex hébergeait 21 millions de documents, dont 67 % d’articles et 1,6 % de livres numériques. Elsevier y occupe la place la plus importante avec un peu plus de 6 millions de documents, suivi de Wiley, 5,1 millions de documents, Springer (journals), 3,9 millions de documents, Oxford University Press 1,4 million, et Cambridge University Press, 836 000 documents. 85 % de ces documents sont en anglais, 5,8 % en allemand et 1 % en français. Si les sciences exactes sont bien couvertes, les sciences appliquées sont moins bien représentées, tandis que les sciences humaines ne disposent que de petits corpus disparates.
 
Créer un grand opérateur national

Aujourd’hui, l’essor de l’accès ouvert aux publications scientifiques, que le Plan national pour la science ouverte lancé par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) le 4 juillet 2018 vise à généraliser, change considérablement la donne pour les licences nationales. Pour Carole Letrouit, l’enjeu désormais pour la plateforme Istex est de développer l’interopérabilité avec les autres bibliothèques numériques afin de constituer un véritable hub de données. "Une telle plateforme contribuera fortement à l’intensification en France de la fouille de textes qui ouvre à la recherche des possibilités très prometteuses dans de nombreux champs disciplinaires, faire valoir l’auteure du rapport. L’une des principales recommandations formulées par Carole Letrouit est le regroupement de l’Inist et de l’Abes au sein d’une structure qui serait rattachée au MESRI et qui tiendrait le rôle de grand opérateur national pour les métadonnées et les données de l’enseignement supérieur et de la recherche.
 
Concernant le projet Istex, qui arrive à son terme le 31 décembre 2018, Carole Letrouit recommande notamment de définir un nouveau cadre juridique, de développer les services de la plateforme, de recueillir les avis des utilisateurs, et de mener une campagne de communication nationale auprès des grandes bibliothèques publiques, qui font partie, comme les bibliothèques de l’enseignement supérieur, des bénéficiaires des licences nationales mais qui les utilisent très peu.

En ce qui concerne le contrat avec Elsevier, qui arrive également à terme à la fin de l’année 2018, et plus généralement pour la négociation des contrats avec les éditeurs internationaux, le rapport recommande de poursuivre collectivement un objectif de baisse des coûts d’abonnement et d’inciter les établissements à développer des modes de publication scientifique alternatifs.
 
 

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