« Passer en revue la fin du monde ». L’ambition pourrait paraître démesurée. Elle est pourtant la boussole de Kali Yuga, premier cycle d’une parution annuelle qui accompagnait, en janvier dernier, le lancement des éditions Hardies. Fondée par le couple formé par Sophie Nauleau et André Velter, la maison entend avancer à rebours des tendances éditoriales, guidée par le désir de fabriquer une littérature affranchie des prudences. Une « littérature pure », produite « par défi et par plaisir ».
Son prochain enjeu se jouera le 7 janvier avec Il n’y a pas de place pour la mort, nouveau roman de Pascal Quignard. Un récit aux confins de l’intime, qui vient confirmer la voie artistique empruntée par cette maison, en dehors des clous. « Nous avons choisi de baptiser nos Éditions Hardies, au féminin pluriel, parce que la hardiesse est une belle qualité. L’adverbe "hardiment" reflète clairement notre devise : "Par défi et plaisir" », détaille Sophie Nauleau, autrice, ex-productrice chez France Culture et ancienne directrice du Printemps des poètes.
« Tout est imaginé, vécu, créé et partagé avec passion »
Titre inaugural de cette aventure éditoriale, le premier cycle de Kali Yuga s’est invité en librairie, en janvier dernier, sous la forme d’un ovni de 1,4 kg, à mi-chemin entre l’ouvrage collectif et la revue littéraire. Son nom, emprunté à la cosmologie hindoue, désigne « l’âge des ténèbres ». Une ère qui, précise Sophie Nauleau, aurait débuté dans les années 1930, et ne prendra fin que dans un chaos nécessaire à l’émergence d’un nouveau millénaire.
L'emblème des éditions Hardies fait écho à la fresque de la Tombe du Plongeur de Pasteum, dont le plongeon est ici orienté "vers le haut", désignant la sortie de "l'âge des ténèbres".- Photo EDITIONS HARDIESPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Cette année, un nouveau cycle - « pas un numéro » précisent ses créateurs –, viendra enrichir le catalogue de la maison en février, sur les 11 cycles prévus comme autant d’expéditions littéraires où se croisent poètes, essayistes, photographes, ou encore illustrateurs contemporains (sauf exception).
Avant cela, Il n’y a pas de place pour la mort, nouveau roman de Pascal Quignard tiré à 10 000 exemplaires, paraîtra le 7 janvier. Pour l’occasion, Sophie Nauleau et André Velter ont imaginé la collection « Sable », en écho au choix du papier et du grammage de l’ouvrage. « Tout a été pensé et choisi avec Pascal Quignard. C’est d’ailleurs ce qui fait le bonheur de cette aventure : tout est imaginé, vécu, créé et partagé avec passion », souligne la cofondatrice.
« Je voulais que le lecteur puisse accéder à la part créative de l’auteur »
Autre fait innovant : l’ouvrage est présenté par un QR code sur lequel est brodé un « cavalier de l’Apocalypse », pour donner accès aux coulisses de l’écriture du Goncourt 2002. « Ça n’a encore jamais été fait dans le monde de l’édition et j’y tenais beaucoup. Je voulais que le lecteur puisse accéder à la part créative de l’auteur, à son processus d’imagination et de réflexion », explique l’éditrice.
Ce nouveau titre, « l’un des plus intimes de Pascal Quignard », est aussi d’une grande modernité dans sa forme. « C’est un livre qui est une succession de commencements. Cela transparaît dans la mise en page, avec blanc tournant généreux, des chapitres et des parties qui se succèdent sans retour en belle page », détaille Sophie Nauleau.
Couvertures de "Il n'y a pas de place pour la mort" de Pascal Quignard et du deuxième cycle de "Kali Yuga".- Photo EDITIONS HARDIESPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Les droits ont d’ailleurs déjà été acquis par plusieurs pays, dont l’Espagne, tandis que Pascal Quignard se lancera très bientôt dans une tournée internationale, avec une escale, en février, à la Maison de la poésie, à Paris. Le début d’une grande aventure, puisque les ouvrages publiés par l’auteur aux éditions Galilée, lesquelles ont mis la clef sous la porte, seront également réédités dans la maison.
« On ne s’interdit rien de ce qui nous exalte »
« On ne s’interdit rien de ce qui nous exalte », résume Sophie Nauleau, pour qui cette approche disruptive de la publication et de la fabrication consiste à redonner « le plaisir de l’édition », en pensant un livre de bout en bout. Un adage pour gouvernail, et que le duo d’éditeurs a scrupuleusement suivi pour penser la programmation à venir, soit cinq à dix titres chaque année portés par la diffusion d’Actes Sud.
Au printemps, les éditions Hardies accueilleront ainsi une série de poches, longuement réfléchie. « Il y a tellement eu d’éditions de poche. Comment se renouveler ? Comment inventer une maquette, une couverture, qui ne ressemble pas aux autres ? », s’est interrogé le binôme. « C’est une vraie responsabilité, aujourd’hui, de rajouter un livre à tous ceux qui peinent déjà à trouver une place sur les tables des librairies », complète Sophie Nauleau.
À travers cette logique, rien n’est laissé au hasard. Le deuxième Kali Yuga, tiré à 4 000 exemplaires, suivra la même exigence : poèmes inédits de François Cheng, dessins de l’humoriste anglais Glen Baxter, portfolio inédit d’un collage d’Ernest Pignon-Ernest réalisé à La Havane… Un cycle qui, comme le précédent, racontera les liens d’amitié et de confiance tissés entre les contributeurs de ces pages et les créateurs de la maison.


