Trois éditeurs toulousains, Clovis Salvat (30 ans), Arthur Var (29 ans), et Octave Ly (30 ans), lancent Raion Éditions, une maison d'édition entièrement dédiée au manga. Leur premier titre, Anhuman, est signé Yvan Narfez et paraîtra au deuxième semestre 2026, inaugurant une collection de seinen.
Le nom Raion, « lion » en japonais, renvoie à un double jeu : « C’est composé de deux kanji, et les noms courts sont fréquents dans l’édition de manga. Et puis nous avons tous les trois des prénoms de rois de France, ce qui nous a amusés », sourit Clovis Salvat interrogé par Livres Hebdo.
Toulouse, un terreau fertile pour le manga
Pour le cofondateur, en charge entre autres la communication, l’implantation à Toulouse s’est imposée comme une évidence. « C’est la première ville étudiante de France (ndlr : Classement l’Etudiant 2024-2025) mais aussi un véritable bassin culturel pour le manga », note ce dernier.
Librairies spécialisées comme le Comptoir du Rêve, implantation de L’École Internationale du Manga et de l’Animation, dynamisme du festival Toulouse Game Show, mais aussi une communauté d’auteurs locaux (Tony Valente auteur de Radiant chez Ankama ou encore Loui, auteur de RedFlower chez Glénat) : la ville rose constitue selon lui un écosystème déjà structuré.
S’y ajoutent deux maisons d’édition, Kool Books tournée vers la production originale et Huber Editions vers l’achat de droits internationaux. « Raion réunit ces deux casquettes et c'est entre autres ce qui nous démarque », souligne Clovis Salvat.
Un manga éco-furieux
Fruit d'un travail de 4 ans, Anhuman est une œuvre centrée sur un avatar divin envoyé pour s’attaquer au dérèglement climatique. « Les humains exterminent les animaux, souillent et pillent la terre depuis des siècles en toute impunité, jusqu'à aujourd'hui. Un mystérieux être hybride se dresse pour devenir la voix du vivant et sa rage est à la hauteur des crimes de l'humanité » résument les éditeurs dans le descriptif d'une campagne Ulule lancée en octobre dernier. « Nous visons 2 500 exemplaires pour ce lancement » ajoute Clovis Salvat.
Avant de rejoindre Raion Éditions, Yvan Narfez publiait déjà chez Doryphores Éditions, la maison associative fondée par Clovis Salvat. L’auteur travaille actuellement à la rédaction du deuxième tome.
Une création structurée, une montée en puissance progressive
Les fondateurs ont intégré l’incubateur The Why Not Factory pour dix mois d’accompagnement, avant de lancer officiellement leur projet le 30 septembre. Raion Éditions prend ainsi la forme d’une SAS au capital de 30 000 euros.
Dans la continuité de ce lancement, les fondateurs prévoient une croissance graduelle : deux mangas en 2026, quatre en 2027, puis une montée en charge régulière les années suivantes. À cette première collection de Seinen viendront également s’ajouter une collection d’horreur, actuellement en négociation, ainsi qu’une collection de mangas feel good (Iyashikei).
Pour soutenir cette stratégie éditoriale, le modèle de lancement combine financement participatif et diffusion classique. « Le financement participatif nous permet de proposer des offres premium tout en menant en parallèle une sortie en librairie », explique Clovis Salvat. Les ouvrages seront ensuite distribués et diffusés par Harmonia Mundi.
Engagement local et action culturelle
L’ancrage territorial fait partie intégrante du projet. « J’ai travaillé deux ans en bibliothèque, la médiation est un domaine que je maîtrise. On veut être actifs dans la région, communiquer sur le manga et créer des synergies locales » explique Clovis Salvat. Avec Octave Ly, le cofondateur participe déjà à la vie culturelle toulousaine en organisant le festival de BD Case Pastel, dont la prochaine édition aura lieu le 7 juin 2026.
L’objet-livre constitue un autre marqueur fort de la maison. Octave Ly, éditeur orienté fabrication et graphisme, souhaite développer des livres-objets, avec un soin particulier porté aux choix de matériaux et aux techniques d’impression. Anhuman sera imprimé localement, un choix que l’équipe aimerait pérenniser malgré les contraintes économiques.
Et la suite ? Une cinquantaine de titres potentiels nourrissent déjà la feuille de route des éditeurs, qui ambitionnent de s’inscrire durablement dans le paysage du manga français, aujourd’hui en pleine structuration. « Le marché tend à se réguler, voire à se développer, et le manga français connaît un réel rayonnement à l'international », assure Clovis Salvat.
