Autopsies d'aliens. Une expérience d'un genre inédit se déroule en secret dans une ville hongroise, Rungholt, enfermée dans une enceinte et dont tous les accès routiers ont été barrés : ses habitants n'ont plus aucun contact avec leurs voisins. Rungholt abrite à la fois des humains et des aliens, et fait l'objet d'une étroite surveillance de la part des dirigeants de la « Mosaïque », ensemble des peuples extraterrestres de tout le cosmos. Ceux-ci veulent donner une chance aux humains d'intégrer la Mosaïque, tout en s'assurant que leurs pulsions destructrices ne menaceraient pas la paix. Sorte de ville-test, Rungholt est ouverte, grâce à des portails, à des millions de civilisations extraterrestres, dont des spécimens divers envahissent peu à peu les rues. Hélas, des crimes surviennent, dont des aliens sont aussi victimes, ce qui pourrait compromettre le rapprochement entre les Terriens et les autres espèces. C'est pour étudier ces morts violentes qu'est recrutée par l'institut médico-légal une scientifique de renom, Ingrid Belloc. Elle autopsie les aliens morts pour déterminer les points sensibles des corps de chaque espèce et inventorier tout ce qui serait susceptible de les tuer. « Un cadavre est un monde perdu. Il faut avoir une âme d'explorateur pour partir à sa conquête », affirme Belloc. La mission est ardue car certains aliens présentent naturellement des risques radiologiques pour d'autres ; parfois, il est naturel que des enfants extraterrestres dévorent leurs parents, afin de compléter leur bagage biologique...

Toute l'originalité de ce roman tient dans l'angle inattendu sous lequel est envisagée la complexité de la violence. Ainsi, quand on découvre un humain déchiqueté, avec dans le thorax un oursin en aluminium d'origine alien, on doit s'interroger : s'agit-il d'un suicide ou d'un jeu sexuel dangereux ? Dans cet univers où règne une confusion permanente entre ce qui est de nature extraterrestre ou humaine, le crime est une notion qu'il faut constamment redéfinir. Peu à peu, l'intrigue se noue comme dans un roman policier, alors qu'un massacre mystérieux d'aliens a lieu en pleine forêt. On s'attache rapidement au tandem que forment Ingrid Belloc et l'inspecteur Mendoza qu'elle est chargée d'aider. Il est brut de décoffrage alors qu'elle est pétrie de conventions et de certitudes, oubliant qu'être humain induit le doute et l'erreur, et parfois un acte insensé. Laurent Genefort, auteur prolifique et incontournable de la SF française, particulièrement doué pour les uchronies steampunk, démontre à nouveau ici son inventivité pour bâtir un univers imaginaire à la fois débridé et spectaculaire. Ce premier tome d'une série qui fait immanquablement songer à Men In Black, avec une galerie de créatures toujours plus fantaisistes et bariolées, est un roman décalé et ingénieux, qui porte une subtile réflexion sur l'interculturalité et l'altérité, mais aussi sur la vulnérabilité.