Ophélie Ramonatxo a d’abord été journaliste culturelle (pour Beaux arts magazine et Mouvement), mais le contact avec le public manquait à cette sciencepiste diplômée en 2003 d’un master en ingénierie et communication.

Elle en verra, du monde et du pays, après son titre de Conservateur des Bibliothèques obtenu en 2006. Finalement, elle ne regrette pas d’avoir raté un concours de direction des affaires culturelles : « Je me suis sentie plus à l'aise dans le monde des bibliothèques que dans celui des arts visuels : plus simple et humain ». Et à 12 ans, n’avait-elle pas catalogué toutes les VHS de ses parents ?

Renforcer la chaîne du livre

Son premier poste, à la tête du réseau de médiathèques de l’aéroport du Bourget, flirte avec l’international. Les six années suivantes, elle s’envole pour de bon vers l’étranger, dans les médiathèques de l’Institut français du Royaume-Uni, à Londres, puis d’Espagne, à Madrid.

Dans cette dernière, elle doit promouvoir le livre français en collaborant avec des éditeurs, écrivains et libraires de sa langue. Ce qui lui apporte un regard plus englobant sur la filière du livre, « alors qu’on a trop tendance à séparer ces acteurs, à considérer notamment les bibliothèques et les librairies comme concurrentes. On serait plus forts à travailler de concert, à communiquer ensemble. Tant que les bibliothèques ne promouvront que les bibliothèques, on ratera quelque chose », défend-elle.

Avant de poursuivre : « À Londres, j’avais par exemple fait suivre des formations à mon équipe auprès d’une libraire qui fixait la barre haute niveau conseil. Et à l'inverse, on ne revendique pas assez le rôle social des librairies. Quand on fait une cartographie du territoire, on devrait avoir les librairies, les bibliothèques universitaires et les bibliothèques publiques ». Lesquelles, à Lyon, achètent 60 000 titres chaque année.

La géopolitique près de chez soi

Un réseau dont elle a pris la tête cette année, après avoir mis sur pied le projet de construction du nouveau site de la Bibliothèque nationale de France à Amiens, et s’être attelée aux relations internationales de l’institution, qui a notamment lancé un grand plan d’aide aux professionnels ukrainiens.

« Nos métiers sont militants », loue celle qui suit de près la géopolitique internationale pour influer sur la programmation et « jouer un rôle en tant que deuxième bibliothèque de France pour mieux informer le public, être solidaires des populations et professionnels des bibliothèques dans le monde ».

Lieux totaux

Autre gros projet : la rénovation de la bibliothèque centrale, la Part Dieu. « Je regarde les nouveaux lieux qui s’ouvrent, suis les travaux de consultants comme Nicolas Beudon, m’interroge sur ces nouvelles bibliothèques qui émergent en Europe du Nord. Elles continuent d'être pionnières : des lieux totaux, à la fois lieu culturel, social, éducatif, de vie », s’enthousiasme-t-elle.

Ce qui donne du grain à moudre quand il faut définir le rôle des bibliothèques auprès des décideurs. « Le périmètre est indéfinissable. Si je dis à l’élu que la bibliothèque est un musée, alors il peut se demander pourquoi il propose d’autres musées. Mais la bibliothèque est surtout une porte d’entrée vers tous les savoirs, que l’on peut approfondir ailleurs », déploie celle qui a écrit au Presses de l’Enssib sur l’importance de communiquer auprès des décideurs et des journalistes. Nous, elle nous a convaincus.