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Les bibliothécaires aussi ont l'esprit « indé »

Philippe Montier - Photo DR

Les bibliothécaires aussi ont l'esprit « indé »

Mettre en avant l'édition indépendante, aller à l'encontre des préjugés et des modes, piloter les acquisitions et les animations sans effet de groupe... Trois bibliothécaires racontent leur vision de l'indépendance.

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Par Fanny Guyomard,
Créé le 11.05.2021 à 12h03

« Une petite médiathèque permet d'être plus indépendant »

Philippe Montier, directeur de la médiathèque de Buzançais (Centre-Val de Loire)

« Pour moi, l'indépendance, c'est être libre dans mes choix d'animation et d'acquisitions. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé, il y a vingt ans, de travailler dans une petite médiathèque, à Buzançais, une ville de 4 600 habitants et dans une équipe de trois personnes. Avant, je travaillais dans la médiathèque de Châteauroux, où nous étions une équipe de cinquante. L'avantage d'une petite structure, c'est qu'elle permet d'être proche du public. J'aime aussi la polyvalence des missions, mettre en place des animations, des expositions, intervenir dans les classes - j'ai une formation de marionnettiste !

Certes, le choix est restreint par rapport à une grande structure, qui a plus de moyens. Mais c'est une toute petite contrainte : la commune nous alloue des budgets corrects, et la bibliothèque départementale nous aide à proposer de la musique et des DVD, qui sont chers à acquérir. Il faut être un peu plus exigeants dans nos choix, chercher à bien connaître les goûts de nos publics. Un budget serré ajoute du piment au métier ! »
 

Lisa Lelievre- Photo DR

Lisa Lelièvre, chargée d'action culturelle à la médiathèque Vaclav Havel (Paris)

« On essaie de mettre en avant des éditeurs indépendants. C'est lié au fait que depuis l'ouverture, on a envie de travailler sur l'écriture contemporaine et un peu moins mainstream. Ces éditeurs sont aussi souvent disponibles et motivés pour participer à des animations.

Chaque année depuis 2014, on organise donc une série de rencontres, « La Voie des indés », où l'on présente au public deux éditeurs indépendants : l'un en littérature, l'autre jeunesse ou BD. À cette occasion, on acquiert leurs livres, et on met en avant d'autres maisons indépendantes sur les tables de présentation.

Les deux invités ont carte blanche, pour parler de leurs textes mais aussi de leur travail. Cette année, on a réuni Bellevilles éditions et les Editions ça & là, qui nous ont par exemple parlé de leur travail de traduction. C'est l'occasion de créer du lien avec le public, mais aussi permettre que les deux éditeurs se rencontrent et consolident leur réseau. »

Michel Ethève est le Conservateur du réseau de lecture publique de la ville de Saint-Denis- Photo DR

Michel Ethève, Conservateur du réseau de lecture publique de Saint-Denis (Réunion)

« Il y a une dizaine d'années, l'esprit d'indépendance, c'était de proposer des mangas et des jeux vidéos, contre des élus, des parents et des bibliothécaires qui ne les considéraient pas comme de la culture. Si on avait cédé à la pression, on aurait disparu !

Parfois, l'indépendance, c'est de ne pas céder à la cancel culture : les levers de boucliers contre un ouvrage, un auteur, un artiste, qui dans sa vie d'humain n'est pas à la hauteur de son œuvre. Or, notre mission, comme le rappelle la charte de l'Unesco, est de donner la possibilité au citoyen de développer et d'exercer son libre-arbitre. Lorsqu'une œuvre est discutable, c'est bien qu'il puisse la lire pour en discuter.

Aujourd'hui, l'esprit d'indépendance, c'est de questionner la bibliothèque comme troisième lieu, un espace d'interactivité. Mais jusqu'à quel niveau ? C'est bien de garder des fondamentaux : une salle où il est interdit de parler et qui, chez nous, a beaucoup de succès auprès des étudiants. La convivialité est indispensable, mais il ne faut pas tout sacrifier sur l'autel de la modernité. »

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