Treize ans après la sortie du livre polémique La face cachée du Monde (Mille et une nuits), Pierre Péan et Philippe Cohen ont fait condamner jeudi en diffamation l'ancien président du directoire du journal, Jean-Marie Colombani, qui les mettait en cause dans Un Monde à part paru chez Plon en 2013.
Le tribunal a condamné Jean-Marie Colombani à 2 000 euros d'amende et le directeur de publication des éditions Plon à 1 000 euros d'amende avec sursis. Ils ont en outre été condamnés ensemble à verser 3 000 euros de dommages et intérêts à Pierre Péan, ainsi qu'à la veuve de Philippe Cohen. S'y ajoutent au total 4 000 euros de frais de justice.
Le tribunal a aussi ordonné la publication d'un communiqué judiciaire, dans Le Monde et dans un autre quotidien. Jean-Marie Colombani va décider de faire appel, a annoncé à l'AFP son avocat, Me Benoît Derieux.
Best-seller
Publié en févier 2003, La face cachée du Monde. Du contre-pouvoir aux abus de pouvoir, critiquait notamment la direction du quotidien du soir, alors exercée conjointement par Alain Minc, Edwy Plenel et Jean-Marie Colombani.
Vendu à plus de 200 000 exemplaires, l'ouvrage avait suscité vive polémique et débat au sein de la rédaction, mais aussi une dizaine de procédures en diffamation, toutes abandonnées au terme d'un processus de médiation en juin 2004.
Mais près de 10 ans plus tard, Jean-Marie Colombani écrit avec Catherine Vincent, Un Monde à part, comportant un chapitre intitulé "Une face bien cachée du Monde", consacré à la sortie et au contenu du livre de Pierre Péan et Philippe Cohen. Il y estimait notamment que La Face cachée du Monde avait pour but de "tuer l'équipe dirigeante" du journal.
Coup de poignard dans le dos
Lors de l'audience devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, la veuve de Philippe Cohen, décédé en 2013, avait expliqué à quel point son époux avait été blessé par les propos de M. Colombani, ressentis comme "un coup de poignard dans le dos" et une violation du protocole d'accord de 2004.
Jean-Marie Colombani, qui a quitté Le Monde en 2007, les accusait de ne pas avoir pris le soin de recueillir le point de vue de ceux qu'ils mettaient en cause dans leur livre.
La défense avait quant à elle estimé que les propos n'étaient d'une part pas diffamatoires et d'autre part conformes à la réalité.
Mais, au regard des pièces produites par les parties civiles, le tribunal a jugé que "contrairement" à ce que M. Colombani affirme, "Edwy Plenel et lui ont bel et bien été contactés par un des auteurs" de La face cachée du Monde, "et connaissaient tant l'existence d'un tel projet de livre que son sujet". Ainsi, "les prévenus ne peuvent justifier l'existence d'une enquête sérieuse et, partant, de leur bonne foi".