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Le 11 décembre 2013, la Cour de cassation a rendu un important arrêt sur le droit de divulgation qu’elle estime désormais être épuisé « par le premier usage qu’en fait l’auteur ».
Rappelons qu’au titre des droits moraux, l'article L. 121-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) dispose que l'auteur « a seul le droit de divulguer son œuvre » et « détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci ».

Le droit de divulgation, c’est donc le pouvoir pour un auteur de décider seul de la part de son œuvre qui mérite d’être publiée. Aucun éditeur ne peut s’emparer du manuscrit, pour passer outre la faculté que l’écrivain possède de considérer tel ou tel texte comme indigne de sa bibliographie officielle.

Cet attribut du droit moral ne doit pas être pris à la légère. Il a ainsi été jugé par la Cour de cassation, le 25 février 1997, que la production d’un manuscrit inédit en justice constituait une divulgation de l’œuvre et donc une violation du droit moral… Et le Tribunal de grande instance de Paris a rappelé, le 21 septembre 1994, qu’une autorisation de consultation d’archives inédites ne permet pas au chercheur de divulguer en librairie l’œuvre ainsi découverte.       

De même, la Cour d’appel de Paris a eu à connaître d’une curieuse pratique éditoriale, le 18 novembre 1998 : « M. O…, journaliste a remis, courant mars 1995, à la rédaction du « Petit Futé » un texte relatif au delta du Mekong destiné à être publié dans le Country guide consacré au Vietnam. (…) cet article (a) été, sans être rémunéré, inséré sous une rubrique «courrier du lecteur» (…). Il est sans incidence que la lettre du 25 mars 1995 par laquelle il s’est opposé à la publication de son texte sous la forme d’une lettre du lecteur soit parvenue après la parution du guide. (…) En publiant l’article dans ces conditions, assimilant l’œuvre d’un journaliste professionnel à la contribution gracieuse d’un voyageur amateur à la confection du guide », il a été porté atteinte au droit de divulgation de l’auteur.

Perpétuel comme tous les droits moraux, et franchissant donc la frontière du domaine public, le droit de divulgation est transmissible par voie successorale. Aux termes de l’article L. 121-2 du CPI, « après sa mort, le droit de divulgation de ses œuvres posthumes est exercé leur vie durant par le ou les exécuteurs testamentaires désignés par l’auteur. À leur défaut, ou après leur décès, et sauf volonté contraire de l’auteur, ce droit est exercé dans l’ordre suivant : par les descendants, par le conjoint contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps ou qui n’a pas contracté un nouveau mariage, par les héritiers autres que les descendants qui recueillent tout ou partie de la succession, et par les légataires universels ou donataires de l’universalité des biens à venir »…. Bref, il y a toujours quelqu’un pour veiller au grain. 

L’exercice post mortem du droit de divulgation a d’ailleurs donné lieu à quelques unes des plus retentissantes affaires juridico-littéraires.

L’article L. 121-3 du CPI envisage en effet les « cas d’abus notoire dans l’usage ou le non-usage du droit de divulgation de la part des représentants de l’auteur décédé ».

La Cour d’appel de Paris a ainsi sanctionné, le 24 novembre 1992, la publication des cours de Roland Barthes. Les séminaires de Jacques Lacan ont été examinés par le Tribunal de grande instance de Paris, le 11 décembre 1985.

À son tour, le 24 janvier 2001, la Cour d’appel de Toulouse a débouté les ayants-droit d’un écrivain espagnol, qui tentaient de s’opposer à la sortie en France d’un roman dont l’auteur avait de son vivant autorisé la traduction.

Le droit de divulgation s’étendait, jusqu’à l’arrêt de décembre 2013,  aux conditions de la divulgation. C’est ainsi qu’un auteur pouvait invoquer ce droit moral pour refuser une exploitation sur certains supports. Le 13 février 1981, la Cour d’appel de Paris a jugé, à propos de portraits représentant Jean Anouilh, que si le photographe « avait autorisé Paris-Match à divulguer les cinq photos en cause dans son magazine, il n’a jamais autorisé TF1 à les divulguer par la voie de la télévision ».

Dans l’affaire de décembre 2013, qui tranche une longue série d’interrogations jurisprudentielles, la Cour de cassation a estimé que l’auteur ne pouvait, après avoir divulgué son œuvre, revendiqué l’application de ce droit à une reproduction sur internet.

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