Liberté d'expression

L'éditeur turc d'un roman érotique d'Apollinaire évite la case prison

l'éditeur Irfan Sanci, le livre de Burroughs incriminé et sa traduction en turc © DR

L'éditeur turc d'un roman érotique d'Apollinaire évite la case prison

Les poursuites à l’encontre d’Irfan Sanci, l’éditeur turc du livre de Guillaume Apollinaire Les exploits d’un jeune don Juan, ont été suspendues mardi 17 décembre mais son travail est placé sous surveillance pendant les trois prochaines années.

J’achète l’article 1.5 €

Par Souen Léger,
Créé le 23.12.2013 à 15h09

Pas d’acquittement pour l’éditeur et le traducteur du roman érotique de Guillaume Apollinaire Les exploits d’un jeune don Juan. Un tribunal d’Istanbul a suspendu mardi 17 décembre les poursuites engagées contre Irfan Sanci, le propriétaire de la maison d’édition Sel, et Ismail Yergüz, accusés d’avoir publié une oeuvre "sexuellement offensante". Ils encouraient jusqu’à dix ans de prison.

Un "climat d 'intimidation"
 
Cependant, cette suspension ne se transformera en non-lieu définitif que si les accusés ne commettent pas d’autre "crime" pendant trois ans. A la sortie de l’audience, Irfan Sanci, dont le travail est placé sous haute surveillance, a déclaré avoir "une épée de Damoclès au-dessus de la tête".
 
Des ONG ont dénoncé le jugement du tribunal, considérant qu’il participait de la volonté du gouvernement islamo-conservateur de museler la liberté d’expression. "Cette décision créé un climat d’intimidation", a regretté Olla Wallin de l’Association internationale des éditeurs (AIE).
 
Cette saga judiciaire a débuté en 2009, dès la sortie de la traduction des Exploits d’un jeune don Juan qui conte l’histoire de Roger, un adolescent à la découverte de la sexualité. Une plainte est alors déposée au tribunal local puis rejetée quand des universitaires ont déclaré qu’il s’agissait d’une véritable œuvre littéraire.
 
Mais en août dernier la Cour suprême de Turquie annule le verdict d’acquittement. Pour les juges, le livre publié par l'éditeur ne propose que des "expressions vulgaires ordinaires, cherchant à susciter des désirs sexuels en représentant des relations déviantes, lesbiennes, contre nature, et même liées à l’utilisation d’animaux et d'enfants, et ce, dans un langage grossier".

Mobilisation des éditeurs et des traducteurs français

Les démêlés d’Irfan Sanci avec la justice ont suscité un élan de solidarité au-delà des frontières turques. En France, la Société des gens de lettres, l'association des traducteurs français et le Syndicat national de l'édition (SNE) ont dénoncé dans une lettre la décision de la Cour suprême. Ils soulignent que "Guillaume Apollinaire, auteur lu, étudié et commenté dans les écoles et universités du monde entier, fait partie du patrimoine littéraire universel".

Ce n’est pas la première fois que la censure s’abat sur l’œuvre de Guillaume Apollinaire en Turquie. En 1999, l’éditeur du livre Les onze milles verges, Rahmi Akdas, avait été poursuivi pour "publication obscène ou immorale, de nature à exciter et à exploiter le désir sexuel de la population". Il avait été soumis à une lourde amende et tous les exemplaires déjà publiés avaient alors été détruits. 

Les dernières
actualités