L'éditeur turc Irfan Sanci, couronné le 2 novembre lors du 29e Salon du livre d'Istanbul par le prix de la liberté du publication 2010 décerné par l'Union internationale des éditeurs (UIE), était présenté le même jour à un juge de la métropole turque pour avoir traduit et publié aux éditions Sel, qu'il a fondées, Les exploits d'un jeune Don Juan.
Le roman érotique de Guillaume Apollinaire, dont la première édition remonte à 1911, n'est pas sa seule oeuvre incriminée en Turquie puisque, en février dernier, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Turquie pour avoir poursuivi en justice l'éditeur turc des Onze mille verges, Rahmi Akdas.
« Mon pays me punit pour mon travail et en même temps, je reçois le soutien d'une organisation internationale ; c'est tragique, mais c'est la Turquie », a relevé Irfan Sanci, selon lequel « pour l'Etat, il y a des lignes rouges à ne pas franchir : les questions kurde et arménienne, la sexualité... C'est un réflexe de la bureaucratie kémaliste ».
Déjà emprisonné, après le coup d'état qui a frappé le pays, de 1971 à 1980, Irfan Sanci, qui a bénéficié du soutien de deux professeurs de littérature qui ont rédigé un rapport attestant l'appartenance d'Apollinaire au patrimoine littéraire, risque une amende et une peine de 9 ans de prison. La cour se réunira une nouvelle fois le 7 décembre.
Environ 70 éditeurs et écrivains, dont le prix Nobel de littérature 2006 Orhan Pamuk à l'encontre duquel l'accusation a toutefois été abandonnée, sont actuellement en procès en Turquie, accusés de diffamation ou d'injures à l'égard d'institutions turques, ou encore incriminés pour leurs commentaires sur le génocide des Arméniens ou la situation des Kurdes.
L'UIE a également remis un prix à Israpil Shovkhalov, éditeur en chef, et Viktor Kogan-Yasny, directeur de la publication du magazine tchétchène Dosh pour leur contribution à la défense et à la promotion de la liberté de publication.