L'ex-militant d'extrême gauche et romancier italien Cesare Battisti, 63 ans, a été capturé en Bolivie, ont annoncé dimanche un conseiller du président brésilien et des médias brésiliens et italiens.
«Le terroriste italien Cesare Battisti a été arrêté en Bolivie cette nuit (de samedi à dimanche) et sera ramené d'ici peu au Brésil, d'où il sera probablement envoyé en Italie pour purger sa peine à perpétuité, en accord avec la décision de la justice italienne», a tweeté Filipe G. Martins, conseiller spécial du nouveau président brésilien, classé à l’extrême-droite, Jair Bolsonaro pour les affaires étrangères.
Cadeau pour Matteo Salvini
Le fils du nouveau président brésilien, le député Eduardo Bolsonaro, a quant à lui écrit sur le même réseau social, en italien avec une photo de Battisti: «Le Brésil n'est plus une terre de bandits. Matteo Salvini [ministre de l'Intérieur italien], le "petit cadeau" va arriver». Pour le ministre italien comme pour le nouveau président brésilien, cette affaire tenait du symbole politique.
Les principaux médias brésiliens ont indiqué que Battisti a été intercepté dans la ville de Santa Cruz de la Sierra en Bolivier, en citant des sources de la police fédérale brésilienne. «Battisti est détenu! La démocratie est plus forte que le terrorisme», a tweeté de son côté Antonio Bernardini, ambassadeur d'Italie au Brésil.
L'ex-président brésilien Michel Temer avait signé le 13 décembre l'acte d'extradition réclamé depuis des années par l'Italie, où il a été condamné par contumace en 1993 à la prison à perpétuité pour quatre homicides et complicité de meurtres dans les années 70. Depuis Cesare Battisti était en cavale.
Près de 40 ans de cavale
Ancien militant d'un groupe d'extrême gauche classé comme terroriste par la justice italienne, les Prolétaires armés pour le communisme, Battisti affirme être innocent de ces meurtres et a vécu exilé au Brésil depuis 2004. Emprisonné en 1979 puis condamné en 1981 pour appartenance à une bande armée, il s'évade et se réfugie alors au Mexique avant de s'installer en France en 1990. Une demande d'extradition vers l'Italie est refusée en 1991. Il séjourne librement dans l’Hexagone, où il est gardien d'immeuble tout en publiant plusieurs romans noirs à partir de 1993.
Sa situation en France se complique en 2004 quand les policiers de la Direction nationale antiterroriste l'arrêtent dans le hall de son immeuble pour qu’il soit extradé, à la suite d'une nouvelle demande de l'Italie. L’affaire émeut les milieux culturels et politiques. Plusieurs artistes, écrivains, journalistes, politiques protestent contre son extradition.
Parmi eux, on retrouve le collectif du Poulpe (dont fait partie Fred Vargas, l’un de ses plus fidèles soutiens), Guy Bedos, le maire de Paris Bertrand Delanoë, François Hollande, Bernard-Henri Lévy ou l’Abbé Pierre. Incarcéré puis mis en liberté surveillée et assigné à résidence, Cesare Battisti n’est plus protégé par la France : le président de la République Jacques Chirac ne s’oppose pas à la décision de la Cour d’appel de Paris de l’extrader. Il s’enfuit durant l’été 2004 où il arrive au Brésil, troisième phase de sa clandestinité. S’il y est arrêté trois ans plus tard à Rio, son cas restera une épine dans les relations diplomatiques et politiques entre le Brésil et l’Italie.
Au terme d'un séjour en prison et d'un long processus judiciaire pour l'extrader, le président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2011) avait décidé en 2010 de ne pas livrer le fugitif à l'Italie. Jair Bolsonaro, président d'extrême droite qui a pris ses fonctions le 1er janvier, avait, lui, réitéré en décembre son intention d'extrader l'ancien militant, affirmant sur Twitter que le gouvernement italien pouvait «compter» sur lui pour le renvoyer vers son pays d'origine.
Les années de plomb
L’Italie l’avait condamné deux fois. Une première fois en 1981, il a été condamné à treize ans de réclusion pour appartenance à une bande armée grâce à des témoignages de repentis. Mais en 1982, alors qu’il était déjà en fuit, un des chefs des Prolétaires armés pour le communisme (PAC), Pietro Mutti, est arrêté et implique Battisti dans quatre meurtres commis par son groupuscule. Le procès de Cesare Battisti, qui est aussi l’un des procès les plus médiatiques concernant les actes terroristes en Italie durant les années de plomb, est rouvert en 1987, et, à la fin de la procédure, il y est condamné à perpétuité par contumace pour double meurtre et complicité sur deux assassinats. Selon ses soutiens, aucune preuve matérielle n’a été apportée et le procès aurait été entaché d’irrégularités.
Cesare Battisti a publié une quinzaine d’ouvrages en France dont Les habits d’ombre, L’ombre rouge et Buena onda (Gallimard « Série noire »), Dernières cartouches (Joëlle Losfeld, réédité chez Rivages, qui aussi publié Avenida Revolución), Jamais plus sans fusil et L’eau du diamant (Lattès « Le masque »), Copier coller (Flammarion « Père castor »). Il avait raconté sa fuite dans Ma Cavale préfacé par Bernard-Henri Lévy et postfacé par Fred Vargas (Grasset) en 2006. Son dernier livre, Face au mur (Flammarion, 2012) entremêle deux récits sa vie : les quelques mois qu'il a passés à Rio, dans l'ombre d'une femme, alors qu'il était en fuite et des épisodes de vie depuis la prison où il est incarcéré.