25 août > Essai France

Jean Picq- Photo PETTINA/LES PRESSES DE SCIENCES PO

Cela fait un peu plus de deux mille ans qu’ils vivent côte à côte et qu’ils ne s’entendent pas. Avec la rigueur d’un cours de Sciences po où il est professeur, Jean Picq observe le couple politique et religion sur la longue durée. Convaincu que l’histoire éclaire l’avenir, il interroge les œuvres des juristes, des théologiens et des philosophes pour comprendre les temps forts de ce tandem tumultueux depuis la chrétienté latine médiévale jusqu’aux séparations républicaines, en passant par les réformes et les Lumières.

Au fil des chapitres d’une clarté exemplaire, ce président de chambre honoraire à la Cour des comptes revient sur les grandes étapes de cette cohabitation entre le temporel et le spirituel en Occident : l’esquisse d’un divorce sous Philippe le Bel, l’autonomie du politique défini par Machiavel à Florence, la révolte luthérienne en Allemagne, l’anglicanisme d’Henri VIII, la Saint-Barthélemy puis l’édit de Nantes d’Henri IV, le concordat de Napoléon ou la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905.

Jean Picq montre que ces crises surmontées ont provoqué de nouveaux rapports entre les pouvoirs spirituels et temporels. Pour lui, la paix civile est le bien le plus précieux. Cette conviction annoncée en préambule court tout le long de cet essai. Auteur d’un rapport remarqué sur l’Etat et d’un manuel sur son histoire en Europe (Presses de Sciences po, 2009), il a ressenti l’urgence de retracer le fil rouge d’une relation passionnelle entre les Etats et les Eglises en Occident pour expliquer quel devrait être le rôle du politique et du droit : maintenir l’ordre public dans le respect des convictions de chacun.

La séparation acquise au fil des siècles ne peut ignorer l’empreinte du passé dans la vie politique. Séparer ne signifie pas ignorer. Les religions ont leur place dans l’espace public, mais elles ne doivent pas être sans culture, sans passé, au risque de sombrer dans une dangereuse redéfinition identitaire comme c’est le cas pour l’islam à l’heure de la mondialisation. On risque alors la confrontation entre des religions qui se veulent "pures" contre des sociétés jugées "impures". Jean Picq se méfie pourtant des formes répressives de la laïcité. Pour lui, l’homme n’a pas à se situer "entre" la religion et le politique mais "avec" les deux. L. L.

Les dernières
actualités