Dans cette affaire, en 2014, la Fondation Neva, une organisation suisse spécialisée dans la promotion de la culture russe, avait signé avec Le Cherche Midi un contrat d’édition en partenariat pour la publication d’un ouvrage intitulé Les monastères orthodoxes russes, édité en anglais et en russe avec un tirage initial de 3 000 exemplaires. La Fondation Neva finançait l’édition à hauteur de 320 000 euros HT. Cependant, au moment de payer le solde du tiers, les relations se sont étonnamment tendues entre les parties et la Fondation Neva a alors reproché au Cherche Midi plusieurs manquements, comme l’impression d’un logo incorrect, entraînant la réimpression de 1 500 exemplaires, la destruction d’exemplaires invendus et des défauts dans la promotion et la commercialisation de l’ouvrage.
Après un premier jugement du Tribunal judiciaire de Paris en 2021, qui rejetait les demandes de la Fondation Neva et l’a condamnée à payer le solde de la facture à l’éditeur, la Fondation Neva avait interjeté appel. Dans son arrêt du 21 février 2025, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur plusieurs aspects du litige (Cour d'appel, Paris, Pôle 5, chambre 2, 21 Février 2025 – n° 24/06923).
Promotion et commercialisation
Concernant la promotion et la commercialisation de l’ouvrage, la Fondation Neva reprochait à l’éditeur un manque de collaboration et de communication, estimant qu’elle n’avait pas été suffisamment impliquée dans la diffusion du livre. La Cour a toutefois rejeté ces allégations en considérant que Le Cherche Midi avait respecté ses obligations, comme en témoignent les actions de promotion menées, dont un article dans Le Figaro Magazine et une présentation télévisée sur France 2.
Erreur de fabrication malgré un bon à tirer conforme
Sur la question de l’erreur d’impression du logo, la Cour a reconnu que la Fondation Neva avait signé le bon à tirer, rendant difficile l’imputation d’une faute exclusive à l’éditeur. Cependant, Le Cherche Midi aurait dû obtenir une validation explicite avant de procéder à la réimpression des 1 500 exemplaires concernés. En conséquence, la Cour a condamné l’éditeur à verser 15 000 euros de dommages et intérêts à la Fondation, tout en confirmant que cette dernière devait régler une partie des frais de réimpression.
Pilon
Un autre point litigieux concernait la destruction de 1 394 exemplaires du livre par l’éditeur en 2018. Ce dernier justifiait cette décision par l’absence de rachat du stock et les coûts de stockage trop élevés. Or, la Cour a estimé que, n’étant pas propriétaire des ouvrages, Le Cherche Midi n’avait pas le droit de les pilonner sans l’accord de la Fondation Neva. Par conséquent, elle l’a condamné à indemniser la Fondation à hauteur d’environ 75 000 euros, somme correspondant au coût de fabrication des livres détruits.
Gestion des stocks
En outre, la Fondation Neva dénonçait également un écart de stock de 109 exemplaires. Après analyse des justificatifs fournis par l’éditeur, la Cour a conclu que 61 livres avaient une destination justifiée, mais que 48 exemplaires restaient introuvables. L’éditeur étant tenu de maintenir un suivi rigoureux du stock, il a été reconnu responsable de cette perte et condamné à verser environ 2 500 euros à la Fondation.
Campagne de presse
Enfin, un dernier volet du litige portait sur les frais internes facturés par Le Cherche Midi, notamment la coordination éditoriale et les relations presse. La Cour a validé une partie de ces coûts, soit 33 000 euros, mais a rejeté les frais généraux d’environ 30 000 euros, estimant qu’ils n’étaient pas justifiés par des éléments concrets.
Dans ses calculs finaux, la Cour a estimé que la Fondation Neva devait donc au total environ 285 000 euros à l’éditeur, somme de laquelle ont été déduits les acomptes déjà versés (environ 215 000 euros) ainsi que les indemnisations accordées pour le pilonnage des livres et les exemplaires disparus. Après compensation des sommes dues, Le Cherche Midi Éditeur s’est finalement retrouvé débiteur d’environ 6 000 euros envers la Fondation Neva, sans compter les frais de justice.
Cette affaire illustre l’importance d’une rédaction contractuelle précise et rigoureuse, notamment en ce qui concerne la gestion des stocks, la validation des coûts et les droits des parties sur les ouvrages publiés. Sans compter la nécessité pour l’éditeur de toujours conserver les justificatifs des différentes diligences effectuées, notamment en matière de promotion, de commercialisation et de relations presse.